Auteur : Shi Nai An
Traduit du chinois par
Jacques Dars
Titre original : Shui Hu Zhuan
Résumé : Au Bord de l'eau met en scène la réunion progressive d'une bande de brigands justiciers sous la dynastie des Song du Nord (XIIème siècle). Ces hors-la-loi, insurgés au cœur généreux, protègent les plus faibles, attaquent les fonctionnaires corrompus, détroussent les riches et narguent effrontément le pouvoir en place. Pour eux une seule devise : « puisque le Ciel manque à faire régner l'équité, il faut s'en charger à sa place ! ».
Critique d'Annabelle : Au bord de l'eau est l'un des romans classiques chinois les plus populaires. Des épisodes de ce roman fleuve ont souvent fait l'objet d'adaptations cinématographiques notamment par la Shaw Brothers dont on peut citer : The Water Margin (Chang Cheh 1972), Pursuit (Ching Gong 1972), All Men Are Brothers (Chang Cheh 1975) ; ou par d'autres comme All Men Are Brothers : Blood of the Leopard (Billy Chan Wui Ngai 1993). Le roman a aussi été adapté par la télévision japonaise sous forme de feuilleton (La Légende des chevaliers aux 108 étoiles), qui fut diffusé à la télé française au début des années 80 et qui est maintenant disponible en DVD anglais sous le titre internationale "Water Margin".
Pour souligner la notoriété dont le roman jouit, on peut aussi ajouter qu'il existe un enchaînement de Kung Fu nommé « Wu Song brisant ses menottes » se référant à un épisode de l'œuvre. L'histoire se base sur des faits réels : au XIIème siècle, un bandit nommé Song Jiang fut à la tête d'une isurrection que les troupes de l'empereur mirent des années à soumettre.
Au cours des siècles qui suivirent, cette histoire se transmit de manière orale grâce aux conteurs et les différents protagonistes devinrent des figures de la révolte contre l'autorité et ses représentants. A force de se colporter, les aventures de ces redresseurs de tort s'enrichirent et s'étoffèrent au point d'entrer dans le patrimoine culturel sous forme d'opéras. Ce n'est que vers le XIVème siècle que le récit prit une forme écrite, découpé en chapitre qui à l'origine représentaient les séances des conteurs.
On atribue la paternité de cet ouvrage à Shi Nai An (parfois à Luo Gan Zhong l'auteur des Trois Royaumes ). La version définitive a été écrite par Jin Sheng Tan à partir de celle de Shi Nai An, elle comporte 70 chapitres qui narrent la réunion progressive des 108 bandits autour de Song Jiang dans les marais du mont Liang, c'est la version la plus courante d' Au bord de l'eau .
Au bord de l'eau est une œuvre fleuve avec de multiple personnages dont l'auteur nous décrit les particularités avec beaucoup de soin, il prend le temps de nous présenter chaque individualité. L'arrivée de nouveaux brigands est à chaque fois le départ de nouvelles aventures et le récit prend un nouveau tour, fait encore un détour, car les histoires sont multiples et les rebondissements nombreux. On rencontre la société chinoise de l'époque, c'est un monde bariolé, foisonnant où les intrigues se croisent.
Au bord de l'eau nous dépeint des personnages hauts en couleurs, ici les héros se nomment « pluie opportune », « le tourbillon noir », « vipère d'une toise », « le bonze tatoué », « le serpent à deux têtes »… Ils sont originaires de toutes les couches de la société, parfois brigands professionnels mais aussi souvent fonctionnaires ou officiers fuyant un système corrompu. Ils ont en commun de ne plus supporter l'injustice et d'adhérer au dicton cité plusieurs fois dans le roman : « dans l'univers entre les quatre mers, tous les hommes sont frères ».
Il n'est pas étonnant que l'histoire de ces 108 « brigands » ait défié les siècles car lorsqu'on lit Au bord de l'eau on pénètre dans un monde particulier alliant histoire et légende, un monde riche et coloré où rien n'est simple et où ce sont les brigands qui défendent la justice.
Annabelle Coquant (septembre 2005) |