La contribution de Maitre Lau Kar-leung au ciné kung-fu est immense et incontournable. Sans lui, il y a bien des chances que les films d'art martiaux chinois ne se seraient jamais élevés au delà d'un cinéma d'exploitation bancal. Premier chorégraphe à être élevé au rang de metteur en scène, le succès qu'il aura recontré inspirera de nombreuses autres personnes incluant Sammo Hung, Yuen Woo-ping et même Jackie Chan. La kung-fu comédie s'inspirera d'ailleurs largement d'idées et de personnages comiques vus d'abord dans un film de Maitre Lau. On lui doit quelques-uns des plus beaux spectacles martiaux jamais filmés et il aura découvert et brillamment utilisé quantité d'acteurs tels Gordon Liu, Kara Hui, Wong Yu, Lily Li, Hsiao Ho et même Johnny Wang Lung-wei.
Au delà de son talent comme chorégraphe/metteur en scène, son humour et sa volonté de transmette une certaine sagesse martiale auront élevé le genre à un niveau insurpassable à ce jour.
Pour célébrer sa mémoire, voici un petit survol des essentiels de son œuvre.
Le cycle de Shaolin de Chang Cheh
Dans son interview au Cahier du cinéma, Lau Kar Leung affirme que c'est lui qui a recommandé à Chang Cheh de faire des films avec un kung-fu authentique en se basant sur les mythes de Shaolin et de ses héros. Naturellement, Chang Cheh dans ses propres mémoires se remémore les choses autrement mais quoi qu'il en soit, il est certain que le travail de Lau comme chorégraphe dans la tétralogie de Chang aura donné une nouvelle vitalité au ciné kung-fu secoué par la mort de Bruce Lee et la surenchère du début des années 70. Le meilleur des cinq films est à mes yeux Shaolin Martial Arts qui consacre la moitié de sa trame à des scènes d'entrainement.
Spiritual Boxer
Datant de 1975, Spiritual Boxer est le premier film de Maître Lau comme cinéaste qui raviva les fortunes déclinantes du ciné kung-fu avec une bonne dose de comédie grâce au kung-fu kid joué par Wong Yu, faux magicien mais vrai adepte martial que son maitre ivrogne a formé.
Le vrai premier modèle de la kung-fu comédie qui émergera quelques années plus-tard. Inédit en France et souvent sous-apprécié et sous-estimé.
Combats des Maitres / Challenge of the Masters
Le premier film à présenter un jeune Wong Fei-hong et à promouvoir une éthique martiale qui va au-delà de la vengeance.
C'est aussi le premier rôle vedette pour Gordon Liu, l'alter ego filmique de maitre Lau Kar Leung qui joue lui-même le rôle d'un assassin.
Executeurs de Shaolin / Executioners from Shaolin
Voici l'antithèse des films machistes de Chang Cheh dans lequel le héros se trouve une femme qui soit son égale en kung-fu et fonde une famille, ce qui ne l'empêche pas de vouloir se mesurer au redoutable maitre taoïste Bak Mei. Le personnage disparaît au deux tiers du film pour laisser la place à son fils, un autre gamin espiègle joué par Wong Yu. D'une certaine manière, ce film passe le relais du héros stoïque traditionnel au kung-fu kid comique.
Le personnage du maître taoïste (incarné brillamment par Lo Lieh) est également un des méchants les plus mémorables de tout le ciné kung-fu comme s'en rappellera plus tard Quentin Tarantino. Pour finir, le film fait la part belle à un superbe personnage de femme : Fang Ying Chung l'épouse du héros avec laquelle l'actrice Lily Li trouve un de ses meilleurs rôles.
36° Chambre de Shaolin / 36th Chamber of Shaolin
De bien des manières, voici l'ultime film de kung-fu classique.
Gordon Liu y trouve son rôle emblématique de moine martial et à travers son récit des 36 chambres, Maitre Lau réitère son mantra qui dit que le véritable objectif du kung-fu réside dans l'accomplissement martial et non la recherche de la vengeance.
Shaolin Contre Ninja / Heroes of the East
Avec ce film, Lau a voulu prouver la valeur des arts martiaux chinois en le faisant confronter à leurs contreparties japonais, cela sans jamais céder à un chauvinisme bêtement vengeur et raciste. D'où une série d'affrontements aussi enlevés que didactiques sur la valeur et les différences entre chaque forme de boxe ou d'escrime nationale.
Un des rares films de kung-fu où personne ne meurt dit on souvent sur ce film. De plus, le film met en avant un autre superbe exemple de comédie matrimoniale digne de La Mégère Apprivoisée mais avec du kung-fu.
La Mante Religieuse / Shaolin Mantis
Voici le plus cruel de tous les films de Maitre Lau dans lequel le « héros » est une taupe qui espionne puis doit affronter des patriotes pro-chinois après avoir maîtrisé le redoutable art de la mante religieuse.
David Chiang y livre une des meilleures prestations martiales de sa carrière et l'actrice Cecilia Wong y joue une des gamines les plus espiègle de tout le ciné kung-fu.