HKCinemagic : Pourquoi vous changez souvent de partenaires dans la production de vos films ? Vous avez travaillé avec China Star, Media Asia, Sun Dream, etc. |
Johnnie To : MilkyWay Image est une maison de production. Nous pouvons nouer des partenariats avec d’autres sociétés pour financer nos projets. C’est ce que nous avons toujours fait. A partir de cette année, nous travaillerons plus avec Media Asia. |
The Mission |
HKCinemagic : Vous avez souvent des plannings de tournage très serrés, comme ce fut le cas sur The Mission. Mais récemment, certains de vos tournages se sont étalés sur plusieurs années, comme pour PTU ou The Sparrow. C’est une nouvelle tendance plus intéressante pour vous ? |
Johnnie To : Il faut savoir que les scénarios de mes films s’écrivent pendant le tournage. Pour The Mission par exemple, j’étais très inspiré. Le tournage devait durer un mois, mais on l’a terminé en 19 jours, je ne sais pas comment. Sur PTU, après avoir tourné une scène, je n’avais plus d’idées. Je ne savais plus où aller. On a dû s’arrêter. Et quand les idées sont revenues, six mois se sont écoulés. Et puis la panne d’idées revenait encore… Je ne pourrais pas vous donner une bonne explication. Le plus grand problème, c’est que je n’ai pas de scénarios finis quand je tourne. |
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HKCinemagic : Pour Mad Detective, il n’y avait pas de scénario au départ ? |
Johnnie To : Non. Car Wai Ka Fai fonctionne comme moi. Nous aimons bien inventer l’histoire au fur et à mesure. Nous trouvons des idées sur le plateau. |
Johnnie To très décontracté à l'Hôtel Scribe (photo (c) hkcm) |
HKCinemagic : Vous n’avez pas travaillé avec Wai Ka Fai depuis Running On Karma (2003). Comment se sont passées vos retrouvailles ? Avez-vous décidé de donner une nouvelle orientation artistique à la MilkyWay avec ce film ? |
Johnnie To : Je n’ai pas travaillé avec Wai Ka Fai depuis plus de 3 ans. Notre première collaboration ensemble remonte à Too Many Ways To Be No1 (1996). C’était le premier film produit par la MilkyWay Image, avec déjà Lau Ching Wan dans le rôle principal. Le destin nous a réunis à nouveau pour les 10 ans de notre société. Nous nous sommes demandés s’il fallait continuer à développer notre style de films, ou s’il fallait essayer de nouvelles directions. Il est fort probable qu’à l’avenir, les productions de la MilkyWay Image vont évoluer sur le plan créatif, mais aussi sur le plan de la production : nous serons certainement amenés à faire des films en langues étrangères, non cantonaises ; ils pourront être en anglais ou en mandarin par exemple. Nous cherchons aussi à former une nouvelle génération de réalisateurs pour la relève de la MilkyWay Image. |
Johnnie To sur le tournage de Linger |
HKCinemagic : Avec Linger, vous êtes revenu vers la romance, un genre que vous avez laissé de côté. Avant, vous deviez faire des films plus « commerciaux » pour pouvoir ensuite réaliser des œuvres plus personnelles ; ce n’est sans doute plus le cas aujourd’hui. Vous êtes à présent très sollicité par les grands festivals de cinéma, où ont été montrés vos derniers films. Or, vous avez fait ce film, Linger. Quelles ont été vos motivations sur ce projet ? |
Johnnie To : Linger est pour moi une expérience intéressante. J’ai pu tester une autre méthode de travail. Quand on écrit un scénario, on est souvent amené à le modifier à cause des contraintes de tournage, par exemple quand on s’aperçoit que les comédiens ne réagissent pas comme prévu. Ma méthode habituelle consiste à créer l’histoire du film en fonction des réactions des comédiens. Je n’ai pas vraiment de scénario complètement terminé quand je tourne. Ça fait plus de 10 ans que je fonctionne ainsi. Les comédiens qui travaillent avec moi connaissent bien ma façon de procéder. Nous avons fini par former une petite famille sur mes tournages. Ils savent à quoi s’attendre avec moi ; ça peut aller très vite, ou traîner très longtemps. Or, il y avait ce scénario sur mon bureau : Linger. C’était un scénario complet, fini. Et il s’agissait d’une romance, genre auquel je n’avais jamais touché auparavant. J’avais vraiment envie de relever le défi : tourner un film avec un scénario tout prêt, en plus dans un genre cinématographique que je ne connaissais pas. Je me moquais de la qualité du scénario, je voulais surtout lancer un défi à moi-même : « Auras-tu la discipline nécessaire pour accomplir ce genre de travail ? ». Après coup, j’ai dû reconnaître que non, je n’ai pas cette discipline qui consiste à suivre un scénario de A à Z ! Je ne suis pas du tout à l’aise avec les scénarios finis. J’ai besoin d’un espace de création instable, j’aime l’imprévu.
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