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Exodus (2007) |
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Ayant débuté sa carrière en tant que scénariste (Fulltime Killer de Johnnie To étant l’adaptation d’une de ses histoires), Edmond Pang a immédiatement imposé un style bien à lui, livrant à chaque fois des œuvres uniques. Si son travail semble inégal, tant en matière de réalisation que d’écriture (la déception du film Killer réalisé par Billy Chung lui est largement imputable, l’histoire ne décollant jamais), Pang parvient à créer des atmosphères et à y immerger le spectateur. Ce qui l’intéresse, ce sont les rapports hommes/femmes avant tout (même si certains de ses films s’éloignent un peu de ce sujet), et il les intègre dans des styles très différents : le polar parodique (Men Suddenly In Black), le thriller paranoïaque (Beyond Our Ken).
Exodus s’inscrit pleinement dans ce registre avec son postulat de départ aussi farfelu que drôle. A-t-on affaire à une comédie cependant ? Une des forces qu’avait manifestées Pang dans son célèbre Men Suddenly In Black était de faire rire en traitant au premier degré un sujet plus proche du vaudeville que du polar. Effectivement, Exodus démarre comme une farce. Le plan séquence d’ouverture instille immédiatement le doute. On sait que cette scène surréaliste sera importante, mais on a bien du mal à comprendre le sens de cette mascarade. Elle représente tout à fait l’état d’esprit de l’œuvre : le long travelling qui nous fait découvrir progressivement la scène est aussi lent et intrigant que l’ensemble de l’histoire.
S’agissant d’une enquête, on pourrait s’attendre à un certains nombre de rebondissements et à une intensité nous faisant nous accrocher à notre siège. Mais le rythme est plutôt contemplatif, le flic interprété par Simon Yam restant plutôt passif dans sa quête de réponse. L’acteur, que je n’apprécie pas particulièrement, livre une prestation excellente, en parfait adéquation avec le ton décalé du film. Son obsession croissante va le mener jusqu’au point de non retour, mais la dégradation, tant de sa psyché que de sa vie est progressive, insidieuse, et la conclusion laisse planer le doute.
Un doute qui ne lâche jamais le spectateur : l’histoire est assez incroyable, pourtant on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une comédie. Certaines scènes sont tragiques, et pourtant on ressent la furieuse envie de rire (et fort heureusement, c’est bien l’effet voulu). Lorsque le sens de l’introduction nous sera enfin expliqué, le propose deviendra plus limpide. Le doute restera présent, mais il se situera plus au niveau de la fiabilité de la narration que de l’intrigue en elle-même.
C’est cette ambiguïté constante qui permet l’humour, comme lors des dépositions de Nick Cheung. La première est absolument hilarante, en grande partie grâce au contraste entre les deux personnages. L’attitude calme et lymphatique de Simon Yam est crédible face au comportement hystérique de Cheung, mais créé un décalage hilarant. Le potentiel comique de cette scène est subtil, et on a presque l’impression d’assister à une scène de mo lai to jouée sur un registre réaliste. Une fois encore, ce n’est pas tant l’intrigue qui intéresse Pang, que les relations entre les personnages. On assiste à des scènes de la vie quotidienne qui en disent plus long que n’importe quelle voix off pompeuse, et les échanges les plus simples sont les plus révélateurs. L’humour vient également de ce sens du détail, comme lors de l’intervention d’un électricien joué par Gordon Lam, dont la mauvaise foi rappellera des souvenirs à nombre de spectateurs.
La mise en scène des dialogues est d’ailleurs presque théâtrale, sentiment renforcé par l’importance accordée au positionnement des acteurs. On remarque par exemple que les discussions entre Simon Yam et Maggie Siu, qui joue sa supérieure hiérarchique, ont toujours lieu dans les escaliers. De plus, cette dernière est toujours située plus haut que lui, symbolisant le rapport de domination qui se joue entre eux, bien au-delà du simple cadre professionnel.
Ce côté intimiste se retrouve dans une réalisation posée, à l’image du film, qui privilégie les plans larges. La caméra est souvent en mouvement, mais ses déplacements sont toujours amples et lents. Le refus des montages types série TV, très à la mode actuellement, sert totalement le parti-pris. Néanmoins, cette approche n’est pas exempte de défauts. Le thème du complot à grande échelle des femmes pour éliminer les hommes est traité sans envergure. Bien sûr, cela permet de jouer sur l’ambiguïté de la trame, mais le sentiment de menace qu’on devrait sentir pesant n’est pas réellement palpable. La fin abrupte semble destinée à laisser le spectateur dans l’interrogation, et ce choix est plutôt pertinent.
Exodus est un film surprenant, déconcertant même, ce qui risque de ne pas être au gout de tout le monde, mais son originalité mérite le détour.
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Léonard Aigoin 6/10/2010 - haut |
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