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A True Mob Story (1998) |
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A la fin des années 1990 un sous-genre cinématographique qui avait suscité un énorme engouement au début de cette même décennie rend l’âme à Hong Kong. Le goo wak jai n’aura pas vraiment fait long feu : comme un de ces gangsters morts jeunes et que les films de ce genre mettent en scène, le film de triade branché aura vu ses ingrédients usés jusqu’à la corde par de nombreux longs métrages et des séries hautement lucratives comme les Young And Dangerous, en l’espace de quelques années. L’honneur est presque sauf puisque le genre, à l’agonie, est enterré dignement par un A True Mob Story qui vaut largement le détour.
Le cinéma de HK a sous plusieurs aspects décrit la vie et les pratiques des triades, la mafia locale. Présentant leurs activités comme un métier tout à fait banal, créant des personnages de mafieux charismatiques ou se servant de leur train de vie pour alimenter une imagerie glamour et très « fashion », certains films s’opposent à une vision plus réaliste de ces organisations et dévoilent les aspects les moins séduisants des triades. A True Mob Story est à mi-chemin entre ces deux conceptions, l’une permettant de faire des produits commerciaux grand public, l’autre pouvant servir le message de films plus personnels comme la trilogie des On Fire de Ringo Lam. Un compromis d’autant plus intéressant et paradoxal que le réalisateur s’appelle Wong Jing et, qu’en bon businessman n’étant de ses propres aveux intéressé que par les sous qu’engendrent ses produits, il a auparavant encouragé financièrement les films pour ados redorant le blason des membres de triades.
A True Mob Story est donc, un peu à la manière du très bon A Moment Of Romance, un film mélangeant romance et affaires de triades avec moins de naïveté que les Young And Dangerous et le traitement des personnages mafieux y est peut-être moins chargé de clichés. L’enjeu est ici, comme pour quasiment tous les films de mafia, de faire comprendre au public que si les agissements des organisations criminelles sont condamnables, certains de leurs membres ont un bon fond. Ce message se résume grosso modo à chaque fois à des personnages de crapules sans éthique en opposition à des membres loyaux et généreux envers leurs frères au sein d’un même clan. Le personnage de gentil voyou au grand cœur est ici endossé par l’excellent Andy Lau : tentant en vain d’assurer sa fonction de père en parallèle à son « métier » et ses affaires de cœur, il est censé être la preuve plus ou moins crédible que membre d’une triade n’est pas forcément synonyme de brute sans responsabilités et dénuée de sentiments humains. On retrouve donc dans le film de Wong Jing des personnages classiques et des situations attendues, qui cependant n’empêchent en rien la recette de fonctionner.
En termes techniques, le film est plutôt réussi ce qui n’a rien d’étonnant quand on lit certains noms de bons artisans du nouveau cinéma de Hong Kong au générique. Ainsi l’on apprend que Marco Mak, par ailleurs faiseur d’images de qualité si l’on supporte le style clip (auteur du Infernal Affairs-like Colour Of The Truth et du film sportif à moitié réussi Xanda) s’est chargé du montage et que Cheng Siu Keung, directeur de la photographie attitré des films récents de Johnnie To et un des rares vrais artistes dans son métier à HK avec Christopher Doyle et Arthur Wong, répond également présent. Ce discret artiste, auteur d’éclairages et de compositions de plans inoubliables sur des réussites comme PTU ou Fulltime Killer, est sûrement à l’origine de quelques séquences du film graphiquement soignées comme son ouverture en beauté, escapade nocturne nerveuse dans une grande artère de Hong Kong rythmée par un morceau chanté par l’acteur principal Andy Lau. Les scènes d’action gardent les pieds sur terre et les quelques bastons de rue à la machette (élément inévitable du film de triade) sont dynamiquement menées. Que les fans des passages obligés du genre soient rassurés, les bouteilles cassées sur des crânes étant là ainsi que les classiques passages à tabac violents sous l’œil satisfait de parrains en costard cravate, le cigare cubain aux lèvres et la bouteille de vin français pas loin. Au-delà des codes habituels du film de gangster qu’on retrouve ici avec le plus grand bonheur, c’est aussi au niveau de l’interprétation des acteurs que le film marque des points.
Le choix d’Andy Lau pour le rôle principal est à la fois normal et ironique, l’acteur ayant au fil de sa carrière montré qu’il était l’un des meilleurs de sa génération et n’étant pas étranger au personnage du voyou charismatique qu’un coup de foudre pour une jeune femme sage fait vivre une histoire d’amour improbable. En effet, qui pourrait oublier les fables amoureuses mélancoliques des incontournables As Tears Go By et A Moment Of Romance, dans lesquels les jeunes et belles Maggie Cheung et Jacqueline Wu ne savaient résister au charme d’Andy ? Si cette fois-ci c’est au tour de Gigi Leung (qui s’en sort plutôt bien) de fondre pour le playboy, on pense inévitablement à ces deux films qui définitivement sont le modèle de A True Mob Story. Des références que Wong Jing, réalisateur affectionnant les citations d’œuvres connues dans ses films, n’a pas souhaité cacher.
Issu d’un genre purement commercial, dont les œuvres les plus destinées à renflouer les caisses cherchent à créer un effet de mode à partir de personnages crapuleux, A True Mob Story ne dissimule pas ses origines. On ne pourra s’empêcher de sourire à la vue d’une fabrique de vcd pirates tenue par le gang d’Andy Lau, dans laquelle ses gestionnaires mafieux font pirater les Young And Dangerous. On retrouve aussi ce sympathique clin d’œil à A Moment Of Romance -que Wong Jing avait coproduit- avec la moto qu’enfourche Andy Lau, image visiblement mythique puisqu’une scène de Needing You y faisait aussi référence. De plus, quelques visages apparaissant à l’écran sont indissociables du film de triades : Frankie Ng et Michael Chan, deux véritables « sales tronches » ayant dans leur vraie vie des liens avec le monde de la mafia hongkongaise, viennent une fois de plus investir le septième art et sont censés crédibiliser la représentation au cinéma des organisations criminelles. Un septième art qui de toute façon à HK est en partie contrôlé par de riches pontes plus ou moins affiliés avec des triades. Et Wong Jing de prétendre que lui-même connaît bien le milieu et que plusieurs de ses amis en font partie.
En conclusion, A True Mob Story est un modèle du film de triades, qui rassemble tous ses codes et qui de par son réalisme se situe un peu en marge des produits purement commerciaux et à l’intérêt limité. Faire de jeunes gangsters à la mode les personnages principaux de films pour ados n’est plus à l’ordre du jour comme il y a dix ans. De nos jours, comment filme-t-on les triades ? Des films comme le Election de Johnnie To apporteront peut-être une réponse.
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Florent d'Azevedo 9/28/2005 - haut |
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