Comme pour les autres genres auxquels il s'est attaqué, Tsui Hark aborde le polar en tentant de réactiver et de moderniser un style ou un type de film appartenant à l'histoire du cinéma. Sa première tentative dans le domaine du polar en tant que producteur, Le syndicat du crime (1986), est un coup de maître. L'intrigue est tirée d'un film cantonais des années 60, Story Of A Discharged Prisoner. John Woo, le réalisateur du film, y traite ses personnages dans le même esprit que Chang Cheh dont il avait été l'assistant-réalisateur. Ils ont conservé le même esprit chevaleresque mais ont troqué leurs sabres pour des armes à feu. En outre, John Woo prolonge le travail qu'avait entamé Johnny Mak avec Long Arm Of The Law (1984), l'un des premiers films à mettre en scène des "gunfights" tels qu'on le verra dans le polar moderne. Le syndicat du crime jette ainsi les bases de ce qui deviendra le style de son réalisateur en matière d'action.
L'immense succès de ce film va pousser l'industrie du cinéma hongkongais à exploiter le filon. Cherchant toujours à se différencier de cette vague de polars qu'il a engendré, Tsui Hark produit The Big Heat (1988), un film que l'on peut considérer comme un anti-Syndicat du crime. Aux individualités chevaleresques de ce que l'on a appelé les Hero Movie, The Big Heat met en scène des groupes aux comportements brutaux. Et à la violence graphique chorégraphiée par John Woo, Tsui Hark impose une violence gore. Mais cette contre-proposition ne séduit pas le public.
Contrairement à d'autres genres spécifiquement asiatiques comme le cinéma d'arts martiaux, le polar possède une longue tradition en occident. En tant que cinéphile, Tsui Hark connaît ses classiques et il cherchera à plusieurs reprises à transposer une partie de la culture occidentale pour l'adapter à la culture chinoise. En 1988, il produit Gunmen, une version chinoise des Incorruptibles. Chicago laisse la place à Shanghai et la prohibition est remplacée par l'instabilité politique qui régnait à l'époque dans le pays. Avec Web Of Deception l'année suivante, Tsui Hark veut rendre hommage aux grands réalisateurs du film policier comme Hitchcock ou Clouzot. Enfin, avec Shanghai Grand en 1996, il met en chantier l'adaptation d'une série télévisée culte des années 70, elle-même inspirée du film français Borsalino.
Les résultats de cette audacieuse politique de " recyclage " ont été divers tant sur le plan commercial qu'artistique. Tsui Hark a lancé John Woo qui a donné du poids à un genre jusque là peu exploité par l'industrie locale. Il s'est également engagé dans des projets ambitieux comme Gunmen ou originaux comme The Big Heat, au risque parfois d'échouer. C'est la limite du système de production mis en place par Tsui Hark. En prenant des risques, en expérimentant, les résultats ne sont pas toujours convainquants. Néanmoins cette politique a le mérite d'offrir des films qui se démarquent du tout venant. Et de ce point de vue, même si certains sont critiquables, la plupart des polars qu'il a produits se sont faits remarquer. |