Julien Carbon : Non, ça c'était déjà prévu.
Laurent Courtiaud : C'était déjà prévu mais c'était juste juste !
Julien Carbon : On y a pensé dès l'écriture.
Laurent Courtiaud : Il fallait anticiper ça. Il faut préciser un point : dans le système de la coproduction française, dans le système français, et notamment quand c'est Canal+ qui donne la majeure partie de l'argent français, il y a plusieurs départements et les investissements sont faits en fonction du type de film. Et donc quand ils donnent une somme x pour un film français, la somme est promise, elle est garantie, cependant elle n'est pas donnée au moment du tournage mais seulement une fois que le film est terminé. Elle est normalement promise et garantie si nous on fait notre travail. C'est-à-dire qu'on doit leur remettre un film français et là ils donnent l'argent qu'ils ont promis. Donc une fois que le film est terminé, il y a un type [au CNC] qui compte les dialogues, il les chronomètre.
Ensuite ils disent si c'est un film français ou pas. Et s'ils disent « Ben non ce n'est pas un film français », on est obligé d'aller voir Canal+ et de dire que ce n'est pas un film français. Et là [à Canal+] ils nous disent « On vous donnait tant pour un film français, mais là si c'est un film hongkongais, ce n'est plus la même chose. C'est comme si on achetait un Johnnie To ou un truc comme ça. Sauf que vous n'êtes pas Johnnie To et donc on vous donne cinq fois moins ou quatre fois moins ». Enfin, c'est la règle du jeu. On est obligé d'y penser avant et c'est pour ça qu'on a écrit en fonction…
Lost in translation?
© Crédit Photographique - Morgan Ommer.
Julien Carbon : On voulait éviter le problème auquel sont confrontés tous les films qui font un peu dans le multilinguisme. On voulait éviter justement ce qu'on voit par exemple dans Inju (Barbet Schroeder, 2007), où on a dix minutes avec l'agent littéraire (japonais) qui fait la présentation de Tokyo en français, parce qu'après on va avoir besoin de dialogues en japonais plus loin. Ce qu'on voulait dès le début de toutes façons, c'était que chaque personne parle sa langue. Et tu comprends que ces gens-là comprennent ce que disent les uns les autres, mais pour une question de face, ils ne veulent pas parler dans la langue de l'autre.
On a mis quelques petits raccords entre les deux, en faisant en sorte que Carole s'exprime de temps en temps un petit peu en chinois, et donc on comprend que Carrie comprend visiblement le français ; mais on voulait pas en fait qu'il y ait un passage à l'anglais au milieu, ce qui est en fait le cas à Hong Kong où les gens utilisent l'anglais comme langue commune. On voulait éviter tout ça parce que finalement pour nous c'était pas avantageux. Ce n'était pas avantageux pour les acteurs de Hong Kong. Comme on savait qu'on allait avoir un tout petit peu d'actrices françaises qui parleraient chinois, et que ça déjà ça serait assez difficile, on ne voulait pas en plus avoir la difficulté supplémentaire d'avoir des dialogues en français pour les acteurs chinois. On l'a fait avec Maria, qui a quelques phrases en français, et c'était juste des points. Elle parle un petit peu français, mais quand même avec un très fort accent et ça a demandé déjà beaucoup de travail pour avoir des lignes qui soient à peu près intelligibles ; et même si elle est super sérieuse et qu'elle a bien travaillé, c'était tout de suite une difficulté. |