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The Lovers : Entre art et amour
Analyse (suite) 1/1 - Page 2
Infos
Auteur(s) : Laurent Henry
Date : 1/10/1997
Type(s) : Analyse
 
 Liens du texte  
Personnes :
Tsui Hark
Films :
Green Snake
The Lovers
 
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Page 1 : Analyse
 
 Notes  
Critique analytique écrite par Laurent HENRY en octobre - décembre 1997, puis revue et corrigée en mars 1998

Pour reapprécier la musique du film, nous vous conseillons la page qui lui est consacrée dans notre section "Musiques"


Préservé de toute attaque sur sa nature même, l’enseignement artistique est bel et bien assimilé par les deux amants. Au début du film, Ying-Toi ne connaît rien, comme le prouve l’examen que lui font passer ses parents. A l’école, elle commence par tricher, mais avec l’aide de Shan-Pak, elle finit par être capable de recopier, de mémoire, le poème du Clair de lune. Devant ses parents, elle réussit facilement le nouvel examen qu’ils lui font passer. Enfin pour honorer son amant défunt, elle écrit un poème. Quant à Shan-Pak, au début du film, il joue de la lyre sans émotion. Par la suite, pour aider Ying-Toi à supporter sa punition, il découvre comment interpréter la musique avec émotion. Les parcours des deux amants sont donc parallèles, Ying-Toi et Shan-Pak s’approprient le monde de l’art par le biais de l’école et de l’amour.

Cette appropriation n’est pourtant pas sans poser quelques difficultés. La scène où Ying-Toi ne parvient pas à jouer le morceau de musique traduit bien le refus de subordonner le monde de l’art à celui de l’amour, qui pourrait être le facteur d’une réussite assurée. Il ne suffit pas d’aimer pour savoir jouer. En l’absence de compétences techniques suffisantes, Ying-Toi n’est pas en mesure de se servir de la musique comme moyen d’expression. Cette résistance, qui se traduit par un échec douloureux, marque une indépendance certaine de l’art vis-à-vis de l’amour en réaffirmant la nécessité de son apprentissage.

Au-delà d’une expérience amoureuse, les amants acquièrent donc progressivement les moyens d’exprimer leur aventure en terme poétique. Et ils passent à l’acte ! Durant leur relation, l’art est un moyen d’expression des sentiments, comme le prouve la scène de la seconde punition. Cette utilisation de l’art avait d’ailleurs été légitimée par les propos du vieux professeur qui, au début du film, met en relation le monde de l’art et celui de l’amour. Mais surtout, en choisissant de communiquer avec Shan-Pak par l’intermédiaire d’un poème, qui ne répète pour une bonne part que ce le jeune homme sait déjà, Ying-Toi s’adresse en fait à l’humanité pour que son amour ne soit pas oublié. Le poème est une trace dont la fonction est de survivre à la mort des amants, comme le signifie la scène finale, lorsque le moine redonne vie aux papillons de papier. Il aura ainsi été pour les amants le moyen de contourner l’intransigeance de la société dans laquelle ils vivaient.

L’omniprésence de l’univers artistique et son implication dans la relation des deux amants montre bien que ce dernier est, avec l’amour, le sujet fondamental de The Lovers. Dans ces conditions, il nous faut déterminer les conséquences esthétiques du traitement d’un tel sujet sur l’aspect formel du film. Le contresens le plus naïf consiste à l’ignorer en adoptant un point de vue naturaliste. Dans cette perspective l’œuvre apparaît évidemment esthétisante puisque rien ne justifie les cadrages, les couleurs, le montage, si ce n'est pour faire joli. Et comme le renchérit le pitoyable article du Asian Trash Cinema : The Book (part 2), Tsui Hark aurait mieux fait de se concentrer sur ses amants plutôt que sur l'aspect formel de son film.

A cette analyse expéditive de l’aspect formel du film, il convient plus sérieusement de considérer le fait que son histoire s’inspire d’un opéra. L’esthétique de cet art a indéniablement influencé celle de The Lovers. En reprenant le thème principal de l’opéra comme musique du film, en adoptant une mise en scène stylisée aux couleurs chatoyante, en donnant à la musique une place omniprésente et en recourant à des moments chantés, Tsui Hark confère à son film un air d’opéra. Il réussit là où il avait échoué dans Green Snake en ne fondant pas les conditions de la représentation sur des bases réalistes, mais, par le biais de l’opéra chinois, sur des bases artistiques.

Si on s’arrêtait à la dimension " opératique " du film, ces choix esthétiques auraient pu être assimilés à une démarche maniériste, c’est à dire à une relecture distanciée d’un style cinématographique, attitude qui tend, en raison de son regard englobant, à monter l’usure et les limites du champ auquel il se rapporte. Il est l’occasion d’une rêverie, d’une critique, voire d’une parodie d’un discours qui a été clairement identifié. Or, en présentant Ying-Toi comme l’auteur d’un poème qui résume l’expérience amoureuse des amants, et qui doit, selon les instructions de Ying-Toi, être accompagné par la musique qu’interprète Shan-Pak, musique qui est aussi le thème principal de l’opéra dont est tiré le film, Tsui Hark fait des deux amants les auteurs de la tradition artistique qui s’est emparée de leur histoire, cette chanson étant une synthèse de l’opéra dont s’inspire le film. Ce statut est d’ailleurs confirmé par la scène finale puisque le prêtre redonne vie à des papillons qui avaient été eux-mêmes dessinés par Ying-Toi.

De ce fait les amants participent à la construction artistique de leur propre mythe, ce qui implique qu’ils développent un point de vue esthétique sur leur histoire. Dans la mesure où le film présente leur expérience dans les mêmes termes que ceux utilisés par les amants quand est exposée leur façon de concevoir ce qu’ils ont vécu, notamment au cours des flash-back et de la chanson, il est possible de considérer que le point de vue esthétique adopté par Tsui Hark est aussi un point de vue contaminé par celui des amants. Leur expérience, perçue comme joyeuse, intense et merveilleuse, est retranscrite dans le film en terme esthétique par la beauté des plans, la fluidité du montage et sa poésie.

En adoptant un double point de vue esthétique, instauration d’une part d’une distanciation par un aspect stylisé, irréel et " opératique ", et prise en compte d’autre part de la sensibilité des amants, Tsui Hark parvient à inscrire son film dans un cadre maniériste tout en désamorçant le caractère stérilisant de ce type d’approche. Il se ménage en effet un point de fuite par le biais du regard que les amants portent sur leur aventure. Il ouvre ainsi une perspective militante qui défend une façon de vivre libre, fondée sur l’amour, la pratique et l’expression artistique, une sorte de manifeste pour l’acte de création dont la caution est le poème, c’est à dire aussi le film.

Dans cette perspective, quelques conséquences s'imposent. Tout d’abord, qualifier The Lovers de film fantastique me paraît relever du contresens. Avancer que la fin du film tourne au fantastique, c’est présupposer que Shan-Pak n’est pas véritablement mort puisqu’il agirait physiquement sur le monde des vivants. Or cette interprétation est en totale contradiction avec le discours qu’assène le film quant à la séparation des amants. Symbolisant le caractère éphémère de l’expérience amoureuse, l’image du papillon n’est alors plus pertinente, les paroles de la chanson apparaissent comme de vaines lamentations et l’image finale perd son sens puisque les amants sont supposés avoir " survécu " à la mort. Plus grave le film cautionnerait l’idéologie morbide du suicide. Ainsi l’hypothèse d’une fin fantastique ruine la cohérence thématique de l’œuvre, et le bonheur de vivre que célèbre le début du film se change en un discours des plus douteux.

En considérant les scènes dites " fantastiques " comme un procédé parmi d’autres (les couleurs, les filtres...) pour accroître la force et l’irréalité de certains moments, il devient alors plus facile de les intégrer au reste du film. Ces scènes ne doivent pas être prises au premier degré, mais pour ce qu’elles symbolisent et signifient. Un exemple, l'itinéraire du cortège nuptial qui se trouve détournée et la tombe qui s'ouvre pour accueillir Ying-Toi manifeste de manière allégorique le parcours d'un refus de la vie (le mariage) pour le choix du suicide. Il n'y a pas de rupture avec le reste du film. Ou alors tout le film est "fantastique", dans le sens ou nous sommes toujours dans une optique irréaliste de la représentation. Si les scènes dites "fantastiques" apparaissent surtout vers la fin, c'est que le procédé confère une intensité dramatique et une force poétique supplémentaire aux situations.

Autre conséquence, l'opposition de la fille à son père ne doit pas être réduite à un simple conflit d'intérêt. En tant qu'artiste et amante, Ying-Toi défend la philosophie que j'ai décrit plus haut, philosophie qui s'oppose à la conception matérialiste du père. Alors quand le père dit que le poème du Clair de lune est trop tendre mais que c'est bien pour une femme, Tsui Hark répond à tous ceux qui trouvent le film naïf ou niais en les rangeant du côté du père. Nous sommes bien au cœur d'une opposition entre la revendication d'un regard poétique sur le monde, et qui s'assume comme tel, face aux tenants de l'inanité de ce regard. Dans ce contexte le moine, figure de Tsui Hark, prend toute sa valeur. Dans ce débat, il est celui qui n'a pas été en mesure de vivre son art jusqu'au bout, quitte à en mourir (artistiquement bien sûr), mais qui est parvenu à refuser la logique cynique des parents. La banale histoire d'amour peut donc se lire, à un deuxième niveau de lecture, comme une passionnante réflexion sur la position problématique de l'artiste dans le monde.

conclusion

The Lovers est comme une arme à double tranchant. Limpide dans son histoire et dans son déroulement, le film devient complexe à partir du moment où le spectateur tente d’en saisir les mécanismes. Il est tentant de se débarrasser d’une œuvre comme celle-ci parce qu’après tout sa simplicité semble l’autoriser. Si au contraire le spectateur lui donne sa chance, il assiste médusé à une révolution tranquille qui redonne à la création cinématographique une vitalité perdue ou presque en occident. Comme le montre ce film, Tsui Hark a trouvé une voie différente de celle des auteurs occidentaux traumatisés par la conscience qu’ils ont des limites du processus de représentation cinématographique telles qu’elles ont été définies par la nouvelle vague française. Tsui Hark parvient à mettre en place une dynamique nouvelle, assumant cette conscience sans pour autant renoncer à l’émotion et à l’émerveillement. Mise en abyme de la création artistique sur un mode grandiose où la puissance créative est célébrée à chaque plan, c’est l’alchimie que peu de cinéaste peuvent se targuer d’avoir réussie. Tsui Hark l’a fait.

 
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