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Reign Of Assassins    (2010)
 Dans la Chine ancienne, des sectes sont à la recherche de la dépouille d'un moine indien mort il y a plusieurs siècles, censée leur apporter la toute puissance. Parmi elles, le gang de la Pierre Noire, dirigé par Wheel King (Wang Xue Qi), est une des plus redoutées. Après s'être emparée d'une partie du corps, Drizzle (Kelly Lin), un de ses membres, s'enfuit afin de mener une vie loin des vols et des assassinats. Pour ce faire, elle change d'identité et d'apparence. Mais ses anciens comparses ne l'entendent pas de cette oreille... (DOV)

 Reign Of Assassins marque un magistral retour au wu xia pian classique – le générique de début nous renvoie ainsi directement aux fééries de la Shaw Brothers -, sans utilisation outrancière des effets spéciaux. Pour autant, il ne peut en aucun cas être taxé d'hommage appliqué, voire réactionnaire : il porte bien la marque de son époque !

La réelle paternité de Reign Of Assassins risque de prêter à confusion, tant le nom de John Woo est commercialement intéressant. Ainsi, selon les marchés, le grand réalisateur hongkongais se voit attribuer le poste de réalisateur, co-réalisateur ou réalisateur exécutif... (Il est assurément co-producteur avec son vieux comparse Terence Chang.) Pourtant, même si la rumeur fait état de sa présence quotidienne sur le plateau de tournage et de l'entière paternité d'une scène avec sa fille Angeles Woo, le principal homme derrière l'œuvre s'avère être au final Su Zhao Bin, metteur en scène (Better Than Sex en 2002 et Silk en 2006) et surtout scénariste taïwanais (The Cabbie en 2000, Double Vision en 2002 ou The Flying Guillotines en 2010...). Force est de constater, en effet, que Reign of Assassins ne porte pas la marque du réalisateur de A Better Tomorrow ou de Red Cliff - drame historique en costume plus proche de cet univers –, que ce soit dans la mise en scène ou les thèmes embrassés de manière récurrentes (camaraderie flirtant avec l'homosexualité, loyauté...).

Chine, début de la dynastie Ming. Huit siècles après la mort du moine bouddhiste indien et légendaire artiste martial Bodhi, sa dépouille, divisée en deux parties, est l'objet de la convoitise de tous les ambitieux. Réuni, son corps est censé procurer à son possesseur la toute puissance pour régner sur le monde des arts martiaux.
Le ministre impérial Zhang Haiduan, qui en détient un morceau, est attaqué et tué par les membres de la secte d'assassins de la Pierre Noire. L'épéiste Drizzle (Kelly Lin) s'empare de la dépouille aux dépens de ses frères de crime et, dans sa course, laisse pour mort le fils du ministre, Zhang Renfeng (Guo Xiao Dong). Wheel King (Wang Xue Qi), chef des assassins, met alors la tête de Drizzle à prix.
Sur son chemin, l'épéiste fuyarde s'entretient avec le moine bouddhiste Wisdom (Calvin Li Zong Han) qui lui conseille, avant de mourir de sa main, de quitter le monde des arts martiaux. Semblant l'écouter, Drizzle cache la moitié du corps de Boddhi au temple de Yunhe et décide de commencer une nouvelle vie après s'être faite refaire le visage par le célèbre docteur Li (Chin Shih Chieh).
Le temps passe et Drizzle, sous le nom de Zeng Jing (Michelle Yeoh), tient une petite échoppe dans la capitale du royaume. Elle y rencontre Jieng Ah-Sheng (Jeong Wu Seong) et l'épouse bientôt. Mais Wheel King est toujours sur ses traces, accompagné de Lei Bin (Shawn Yue), du Magicien (Leon Dai) et de sa remplaçante au sein de l'équipe, Turquoise (Barbie Hsu).
Pendant ce temps, alors qu'une vague de crimes déferle dans la capitale, les membres de la secte Kongdong, détenteurs de l'autre partie du corps de Bodhi, cherchent à vendre leur trésor à Zhang Dajing, le patron handicapé d'une grande banque.

Reign Of Assassins est avant tout un magnifique drame, d'une noirceur à la croisée des antiques mythes grecs (l'homme se marie avec l'assassin de son père), des wu xia-pian de la grande époque (la solitude des épéistes auxquels l'amour n'est pas permis) et des films américains des années 40 (Turquoise, la tueuse psychopathe, si elle évoque les personnages de Quentin Tarantino, n'est pas sans rappeler le Tommy Udo - Richard Widmark grimaçant de Kiss of Death). Jusque dans la mise en scène, la photographie et les décors, le spectateur ressent cette ambiance lourde, le poids du destin.
La profondeur des personnage étonne – et détone – dans un film de genre. En ce sens, Su Zhao Bin se rapproche du grand King Hu, adepte des chemins de traverse et des petits détails qui font les grands films.
L'aspect dramatique est renforcé par le romantisme de l'œuvre. Poursuivi par les avances de Jieng Ah-Sheng (Jeong Wu Seong), Zeng Jing (Michelle Yeoh) ne sait pas si elle peut se permettre (à nouveau ?) d'aimer. Le jeu avec la pluie (le titre original chinois se traduit d'ailleurs par « Epées et pluie »), élément catalyseur de la relation qui pourrait naître entre les deux personnages, est naïf et touchant.
Pourtant, la passion amoureuse va lentement faire place à la vengeance, le destin obligeant Zeng Jing à révéler sa réelle identité. D'abord à l'occasion du cambriolage de la banque locale censée recéler, dans un de ses coffres, une partie des restes de Bodhi. (Magnifique scène filmée au cordeau au cours de laquelle Zeng Jing hésite entre trahir son identité et sauver les clients.) Puis, lorsque ses anciens acolytes lui demandent de reprendre du service, la nuit de ses noces, et de leur livrer la partie du corps du maître avec laquelle elle a fui.

On a souvent dit, en parlant de la franchise James Bond, que si le méchant était réussi, le film serait réussi. Reign Of Assassins en est une nouvelle preuve avec les membres qui composent le terrible gang de la Pierre Noire (Dark Stone) : celui qui se fait appeler le Magicien (Leon Dai) mélange kung fu et tours de prestidigitation ; Lei Bin (Shawn Yue) est un père de famille sans morale qui tue pour nul autre motif que l'argent ; Feuille de Turquoise (Barbie Hsu) est une nymphomane qui, telle une mante religieuse, a assassiné son mari le soir de ses noces ; et enfin, le chef de cette horde sanguinaire, Wheel King (Wang Xue Qi), qui mène ses élèves à la baguette en ayant pris soin, auparavant, de s'assurer de leur infériorité. Chacun de ces personnages représente une menace tangible pour Zeng Jing et son mari.
L'humour n'est cependant pas absent de Reign of Assassins, du personnage de la vieille marieuse, Tante Cai (Nina Pau Hei Ching), aux facéties du Magicien (Leon Dai) qui déshabille les soulards un peu trop curieux.
Comme dans un film de John Huston, les protagonistes, bons ou mauvais, ne sont que des hommes. Et ils finiront comme tels... Les motivations des chasseurs de la dépouille de Bodhi, loin d'être des rêves de domination planétaire, sont risibles... là encore, purement humaines. (Mais ne tenons-nous pas là, avec ce corps à reconstituer, un McGuffin typiquement hitchcockien ? Le maître du suspense aurait fort apprécié une œuvre au cours de laquelle des personnages se battent pour le corps – le « body » - d'un dénommé Bodhi !)

Les scènes d'action sont excellemment dosées, l'utilisation des câbles et autres effets spéciaux maîtrisée. C'est à Stephen Tung Wei, infatigable chorégraphe de l'industrie cinématographique hongkongaise depuis plus de trente ans – et partie prenante de quasiment toutes les superproductions de ces dernières années (Hero, Seven Swords, Battle Of Wits, Painted Skin, Bodyguards And Assassins), qu'on doit cette prouesse, à une époque de surenchère numérique.

Reign Of Assassins est une co-production entre la Chine, Hong Kong et Taïwan. Ce type de montage n'était jusqu'alors capable de nous proposer que des films épiques et boursouflés (The Warlords ou Three Kingdoms), avec des armées de soldats digitales. Ici, surprise, Su Zhao Bin nous offre une histoire simple, un drame à taille humaine qui parvient à toucher le spectateur et le distraire sans pour autant tenter de lui en mettre plein les yeux. Nul besoin de le noyer sous les effets lorsqu'on a un bon scénario !


NB : le montage présenté en Chine est sensiblement différent pendant les 15 premières minutes ;le film s'ouvre sur le personnage de Zeng Jing (Michelle Yeoh) au moment où elle arrive dans la capitale. S'ensuit une série de flashbacks qui nous ramènent à Drizzle et à la table d'opération où elle se fait refaire le visage.
David-Olivier Vidouze 1/3/2011 - haut

Isabella    (2006)
 Un policier corrompu, seul à la dérive. Une jeune fille perdue, seule à la dérive. Il se fuit, elle se cherche. Une rencontre. Isabella aurait pu être un polar moite suintant de violence, c’est en réalité une chronique douce-amère sur des personnages qui se reconstruisent.

 Depuis une dizaine d’années, Edmond Pang s’est taillé une confortable réputation dans le cinéma de Hong Kong. L’originalité de ses scénarios dans une production très codifiée n’est plus à louer, de même que la variété des sujets qu’il aborde sur le fond comme sur la forme. Récemment, son maniement amusé des relations humaines (Love in a Puff) a été vivement contrasté par sa capacité à verser dans une violence sans tabou (Dream Home). Tourné en 2006, Isabella paraît déjà bien loin dans la carrière du jeune réalisateur. Le film y mérite pourtant une place de choix car Edmond Pang y montre l’étendu de ses talents.

Ching (Chapman To) arrondit son salaire de policier dans des combines minables, violente ses suspects et termine systématiquement ses journées dans la débauche. Yan (Isabella Leung) vivote en vendant son corps après les cours et porte avec elle le lourd héritage d’une mère récemment décédée. Il se trouve que Ching est le père de Yan… et c’est à ce titre que la jeune fille initie la rencontre par des détours étranges. La raison ne guidant que les esprits clairs, la relation qui s’amorce est évidemment complexe, confuse et troublante. Rapports incestueux, tendresse sincère, mélanges d’amour filial et de pulsions charnelles… Les corps se frôlent ou s’évitent avec maladresse.

Dans cette relation à double sens, tendue et toujours sur le fil du rasoir, Edmond Pang propose un très beau jeu de miroirs. Au cours du film, certaines scènes se répètent mais à mesure que l’histoire évolue, leur signification change sensiblement. Il en résulte une intensité rare par l’économie des mots. Certes, la narration est parfois encombrée par les ellipses et les retours nombreux, mais le réalisateur parvient heureusement à ne pas sombrer dans une démonstration de son savoir-faire et sait rester discret. C’est pourtant une œuvre réfléchie et aboutie, à la maîtrise technique presque parfaite. Les cadrages sont superbes mais jamais prétentieux, la couleur intelligemment mesurée et la direction d’acteurs est toute en subtilité. Chapman To et Isabella Leung interprètent cette belle partition sans exagération et malgré des situations qui n’inspirent pas la joie de vivre, leurs jeux ne versent jamais dans le pathos. Enracinés à leur passé, les personnages essayent d’aller de l’avant.

La ville de Macao est le sel de l’histoire, le piment de la mise en scène. C’est un personnage incontournable dans Isabella. Comme à des milliers d’années lumière de Hong Kong, la colonie portugaise apaise et tranquillise. Ses ruelles sont libératrices, parfois terrain de jeu, le plus souvent le lieu d’une quête. Le jour, ses vieilles pierres et ses murs lézardés sont un écrin rassurant ; la nuit, ses éclairages doux et chaud réconfortent. Le vieux Macao est un baume dont Edmond Pang use avec pertinence, exploitant sa taille rassurante, ses lumières orangées, voire ses aspects bucoliques… et pour ainsi dire hors du temps. L’action se déroule en 1999, dans les semaines qui précèdent la rétrocession de la colonie portugaise à la Chine. L’événement apporte incontestablement une bouffée de nostalgie au film : dans un monde qui change, les personnages en manque de repère ne sont que plus déstabilisés. On peut donc aisément regarder Isabella comme une chronique tendre et triste des derniers jours d’un autre monde. Pas de regrets, juste la peur de voir se fissurer davantage le cadre déjà fragile de la vie.

L’affaire policière qui sert de toile de fond est furtivement rappelée au spectateur par quelques lignes de texte de temps à autre, volontairement sorties de l’image et de l’histoire. Isabella n’est pas un polar, ce n’est pas non plus un drame familial pesant. C’est un beau film, nuancé et porteur de sens, loin du cynisme contemporain sur les personnages à la dérive. Une histoire finalement très simple qui cautionne les errements de ceux qui cherchent de nouveaux chemins.
François Drémeaux 1/2/2011 - haut

Sunshine    (2007)
 En cette année 2057, le soleil se meurt, entraînant dans son déclin l'extinction de l'espèce humaine. Le vaisseau spatial ICARUS II avec à son bord un équipage de 7 hommes et femmes dirigé par le Capitaine Kaneda est le dernier espoir de l'humanité. Leur mission : faire exploser un engin nucléaire à la surface du soleil pour relancer l'activité solaire.
Mais à l'approche du soleil, privés de tout contact radio avec la Terre, les astronautes perçoivent un signal de détresse en provenance d'ICARUS I, disparu sept ans auparavant.
Un terrible accident les contraint à modifier leur trajectoire. Ils doivent désormais lutter pour rester en vie, ne pas sombrer dans la folie, mais avant tout pour mener à bien leur mission essentielle pour l'avenir de l'humanité.


 Habitué des mises en scène destinées à la télévision, c’est au milieu des années 90 que le réalisateur Danny Boyle atteint la renommée en réalisant successivement Petits Meurtres Entre Amis, Trainspotting et Une Vie Moins Ordinaire. Artiste versatile, il refuse de confiner son cinéma à un genre en particulier et multiplie les expériences. En 2002, il se lance pour la première fois dans le fantastique avec 28 Jours Plus Tard, qui rend populaire les fameux infectés qu’on confond souvent avec des zombies, alors qu’ils sont plus rapides que ces derniers, et surtout qu’ils ne sont pas morts-vivants. Avec Sunshine, l’artiste revoit ses ambitions à la hausse, puisque le budget est trois fois supérieur à celui de 28 Jours Plus Tard. De même, le travail sur les effets spéciaux défie toutes les expérimentations visuelles que le réalisateur a eu l’occasion de mener jusque-là. Pourtant, Sunshine reste une petite production au regard des blockbusters hollywoodiens au sujet proche. Le film de Michael Bay, Armaggedon, dont les enjeux dramatiques sont très proches, dispose à titre d’exemple d’un budget plus de cinq fois supérieur. Mais là où le cinéma américain livre un film au sentimentalisme exacerbé, qui privilégie l’émotion romantique, le réalisateur britannique préfère une approche plus intellectuelle, qui peut paraître plus froide de prime abord. La science-fiction d’anticipation n’exclut pas nécessairement l’émotion, comme l’a prouvé Andrew Niccol avec son Gattaca, mais on retrouve souvent une atmosphère désespérée plutôt qu’un monde de romance. Que ce soit dans les écrits de A. E. Van Vogt, de Asimov, ou de K. Dick, c’est avant tout la peur d’un monde en proie à la perte d’humanité et à la paranoïa qui caractérise la science-fiction. Si l’on devait se fier à l’imagination de ces artistes pour qualifier notre futur, on pourrait parler d’un sentiment de perte avant toute chose.

Un constat qui s’illustre dès les premières images, qui s’ouvrent sur un travelling approchant du soleil, dont on apprend par la voix off de Capa, le personnage interprété par Cillian Murphy, qu’il est sur le point de s’éteindre. Passée cette brève introduction, Boyle n’aura plus recours à cet artifice et limitera au maximum les scènes d’exposition. Si bien que le spectateur est immédiatement dans le feu de l’action. Ce parti-pris confère une cohérence au récit, puisqu’à aucun moment le réalisateur n’abreuve le spectateur d’informations superflues. Pourtant, le rythme n’est pas frénétique, loin de là. Il s’agit davantage d’un film psychologique que d’un film d’action. La mise en scène s’annonce d’ailleurs plutôt calme dans un premier temps, alternant plans fixes et travellings lents, qui permettent de découvrir les lieux, de contempler les réactions des protagonistes, et de s’immerger dans l’espace. Et c’est bien là l’une des forces, sinon la force de Sunshine. Nous faire ressentir le vide, le calme de l’espace, mais aussi le tumulte des relations entre les astronautes, confrontés à une tragédie aussi imminente que probablement inévitable. La scène du cauchemar de Capa est très représentative de cette alternance, puisqu’on passe d’un montage très nerveux à une scène de dialogue lente et apaisante. On constatera d’ailleurs que les deux dialogues entre ces personnages sont filmés de profil, comme si leur destin était peint comme il devait l’être quoi qu’il puisse arriver. Très peu de détails sont donnés sur les protagonistes, et on apprend leur prénom tardivement, on pourrait donc imaginer qu’il est difficile de s’identifier ou de s’attacher à eux. D’autant plus que tous ont des personnalités très fortes. Mais la direction d’acteurs est excellente, et chaque interprète confère une humanité des plus convaincantes à son personnage. Qu’il s’agisse de la culpabilité d’une simple erreur qui met la mission à mal, de l’esprit de sacrifice pour sauver l’humanité, ou encore de s’interroger sur la légitimité de prendre une vie, les choix, les dilemmes des protagonistes sont crédibles, en grande partie grâce à des acteurs très engagés.

Mais ce qui caractérise avant tout Sunshine, ce qu’on conservera en mémoire longtemps après l’avoir vu, c’est le mélange toujours harmonieux entre les superbes partitions de John Murphy, et les images très impressionnantes. A ce titre, Adagion In D Minor, récemment reprise dans la bande originale du film Kick-Ass et dans la bande annonce The Adjustment Bureau (adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick mettant en scène Matt Damon et Emily Blunt), est une mélodie d’une puissance incroyable, montée avec pertinence lors de deux scènes très réussies qui résument à elles seules l’importance de la mission du groupe et la détermination de chaque membre. Boyle parvient à créer plusieurs sentiments chez son public, grâce à un montage qui alterne les scènes calmes et le suspense frénétique. Le calme et l’immensité de l’espace sont particulièrement convaincants, et remettent en perspective l’existence de l’homme, et l’importance qu’il accorde à sa présence. Mais les passages plus tendus, comme les confrontations musclées d’opinion bénéficient d’une mise en scène qui au premier abord peut paraître confuse, mais retranscrit parfaitement le chaos ambiant. Ainsi, comme les protagonistes, le spectateur est toujours surpris, et il n’est pas aisé d’anticiper les événements à venir. On se doute bien sûr que la mission risque d’être plus complexe que prévue, mais les événements s’enchaînent de façon imprévisible sans paraître trop incohérents. Dans un premier temps, c’est la rationalisation qui sera privilégiée par l’équipe de scientifiques.

De ce point de vue, Hiroyuki Sanada interprète un commandant très convaincant, sûr de lui et rassurant, privilégiant les solutions les plus logiques. Michelle Yeoh interprète un personnage assez similaire, mais dont l’humanité s’exprime davantage, à travers sa passion pour le jardin à oxygène du vaisseau. Mais ce sont finalement Chris Evans en tête brûlée prête à tout pour accomplir sa mission, et Cillian Murphy, en scientifique passionné qui s’imposent dans les rôles les plus marquants. Malgré ces caractères très marqués, Boyle parvient à donner vie au personnage sans verser dans la sensiblerie. Ainsi, certaines scènes sont très marquantes, puisqu’il est difficile de prévoir qui va mourir ou non, sans qu’on n’oublie jamais que les personnages iront jusqu’au bout de leur mission quoi qu’il puisse leur en coûter. La perte d’humanité est à ce titre aussi frappante que mise en valeur sans trop d’insistance, si on oublie la scène où le personnage de Chris Evans en fait la déclaration. Ce traitement qui peut paraître froid permet de s’identifier aux personnages et donne une cohérence au propos qui ne s’éloigne pas de cette ambiance de fin de monde. On pourra cependant regretter le propos presque mystique de la dernière partie du film, annoncé de façon surprenante dès la déclaration sur la poussière. Les interrogations sur la légitimité de la mission au regard de l’aspect naturel de l’extinction d’un soleil auraient pu être posées de façon plus rationnelle. Un choix qui aurait été davantage en phase avec la conception très scientifique des personnages. Bien sûr, ce changement de ton confronte justement deux visions de la vie, mais on peut également y voir une facilité qui transforme ce qui était une étude de personnages en une sorte de survival spatial à tendance métaphysique. Et si ce choix donne lieu à des scènes visuellement intéressantes, il est source d’une frustration moins satisfaisante sur le plan intellectuel. Malgré tout, cette partie reste très bien réalisée. Le suspense y est mené de façon très efficace, immergeant le spectateur dans cette poursuite réellement surréaliste. On en vient rapidement à se demander la nature de ce mal, notamment grâce à un effet de flou récurrent qui oblige à s’interroger sur la véracité des événements et sur la perception des personnages. Ce mélange entre science-fiction pure et fantastique à la limite du surnaturel rappelle dans une moindre mesure le Event Horizon de Paul W.S. Anderson.

Et Si Boyle reste un réalisateur bien plus subtil que le metteur en scène américain, il n’évite pas quelques métaphores un peu abruptes. Outre celle de la poussière, l’expression « sang sur les mains » sera illustrée de façon appuyée. On a donc parfois l’impression que le scénario n’est pas tout à fait maîtrisé, à cause d’un traitement parfois plus grossier. Mais globalement, Boyle parvient à mettre en scène une œuvre visuellement très forte, remplies de scènes marquantes, et surtout à faire vivre ses personnages dans un espace dont l’immensité est plus frappante que jamais. Le rendu de certaines scènes est d’ailleurs tout simplement vertigineux, grâce à un montage vraiment astucieux. Sunshine est une œuvre qui peut décontenancer, à cause de deux parti pris qui ne paraissent pas toujours se mêler de façon harmonieuse, mais la qualité de ses images, de son interprétation, le côté épique de certaines scènes, et la capacité du réalisateur à immerger le spectateur dans son histoire justifient largement le visionnage.
Léonard Aigoin 12/28/2010 - haut

Romance Of The Western Chamber    (1927)
 Alors qu'il visite un somptueux temple boudhiste, le jeune lettré Zhang Junru (T.K Kar) croise une très jolie demoiselle dont il tombe aussitôt amoureux. Il s'agit de Cui Ying Ying (Lin Chuchu) la fille d'un premier ministre défunt qui réside au temple avec sa famille. Zhang aimerait bien la courtiser mais vue son haut statut la jeune fille est confinée à une cour intérieure avec sa dame de compagnie la pétillante Hung Niang (Li Dandan). Zhang parvient néanmoins à s'installer dans un petit pavillon (« la chambre de l'ouest ») attenant la cour où réside Ying Ying. Or voilà que des bandits attaquent soudainement le temple pour s'emparer de la jeune fille. Zhang parviendra t-il à sauver Ying Ying du péril qui la guette ?

 La majeure partie des films datant du cinéma chinois muet ont disparu, victimes tout autant d'une négligence généralisée que des temps troubles qui auront marqué la Chine pendant la première moitié du 20ème siècle. Toutefois en 2007 Cinema Epoch a produit une édition DVD d'une œuvre datant de 1927 intitulée en anglais Romance Of The Western Chamber, ou Chronique de la romance du pavillon de L’Ouest. Autant le dire de suite, à l’exception d’un épisode du sérial Red Heroine (voir l'article de nos confrères de KungfuCinema.com), c’est le seul exemplaire de film à costumes de cette époque à avoir survécu. Sans être vraiment un Wu Xia Pian, Romance contient quelques séquences de batailles et de duels offrant une formidable opportunité de voir non seulement un film chinois d’une époque lointaine mais de constater à quoi pouvait ressembler une scène d’action « à la chinoise » dans les années 20.

Romance est l'adaptation d'une pièce renommé du théâtre classique chinois « Xīxiāngji » datant de la dynastie Yuan au XIII/XIV siècle. À la base, c’est une comédie romantique, racontant les amours contrariées entre un jeune lettré et une belle demoiselle de la noblesse, mais avec des éléments de burlesque, de mélodrame, d’action martiale et même de critique sociale. L’attrait de la pièce d’origine reposant sur la qualité fleurie et gracieuse de ses dialogues, sa transposition en film à l’époque du cinéma muet a mené les producteurs du film à jouer la carte du grand spectacle. Romance a donc été tourné dans certains décors extérieurs comme un véritable temple (on voit même ce qui ne pourrait être que des vrais moines à un moment donné) et une gigantesque grotte. On voit également de grands défilés de troupes et une grande bataille entre deux armées. À l’exception des moines, tous les personnages portent des costumes magnifiques, ce qui ajoute un cachet à la fois somptueux et pittoresque au film.

Autant la mise en scène que le montage et l’usage d’effets optiques (la surimpression surtout) témoigne d'une maitrise consommée de la part du cinéaste du langage filmique, en résulte un film des plus énergique tant dramatiquement, que visuellement. C'est surtout évident lors du grand affrontement entre une troupe des bandits et l'armée venue à la rescousse du temple où sont assiégés les protagonistes du film, que le rythme du montage, l'usage de surimpressions, de même que de gros plans sur des pointes de lance s'entrechoquant donnent un effet tourbillonnant à la bataille. Un autre moment à retenir est une étrange séquence onirique dans laquelle le lettré poursuit le chef des bandits monté sur un gigantesque pinceau volant dans le ciel comme une sorcière sur un balais pour ensuite l’affronter en se servant de son pinceau comme d’un bâton, une manière bien surréaliste de dire que la plume est plus forte que l'épée. Des petits interludes comiques viennent également ponctuer le récit à de nombreuses occasions tout le long du film.

Mis à part les affrontements mentionnés plus haut, Romance présente également un moine martial qui affronte les bandits au bâton. Il y a aussi un duel entre le chef des bandits et le général venu à la rescousse et qui se battent armés d’une hallebarde et d’une lance d’abord monté sur un cheval puis à terre. Les deux antagonistes sont vêtus d’accoutrement d’opéra et se battent dans le style propre au combat d’opéra chinois, c'est-à-dire en faisant des moulinets avec leurs armes respectives. Ni les scènes d’action ou l’emploi d’effets spéciaux ne diminuent en rien le travail des acteurs qui, que ce soit dans les passages dramatiques ou humoristiques, sont d’une merveilleuse expressivité théâtrale contribuant tant à l’éloquence du film qu'à son charme.

Romance of the Western Chamber a été produit par le studio Mingxing, l’un des trois grands studios de Shanghai durant le premier âge d’or du cinéma chinois dans les années 20 et 30. Les films d’action de Douglas Fairbanks tels Robin des bois, Zorro et Le Voleur de Bagdad s’étant avérés très populaires auprès du public chinois, cela a encouragé de nombreux studios à faire des films d’action à costumes. À cette époque, la plupart des films costumés chinois étaient réputés être de qualité médiocre, faits à la va vite pour répondre à la demande d’un public peu exigeant. Romance semble cependant avoir été une œuvre de calibre bien plus relevé que la moyenne tant dans l’ampleur de sa production que son emploi inventif d’effets spéciaux. Il n’y a pas d’informations disponibles pour savoir aujourd’hui comment le film fut reçu par le public à l’époque, mais vu l’enthousiasme reconnu du public de l’époque pour ce genre de film, on peut présumer qu’il a connu du succès.

En 1928, Romance fut l'un des trois films du studio à être vendu à un distributeur français et être montré d'abord à Paris sous le titre français de La Rose de Paiyan, un des premiers exemples de film chinois montré en Occident. C’est pourtant une œuvre coupée de moitié qui fut envoyée à l’étranger. Le studio Mingxing entretenant probablement des doutes sur l’intérêt des occidentaux envers le récit d’une amourette dans un temple bouddhiste fit réduire le film à cinq bobines sur les 10 originales, préservant la mise en situation de l’histoire et les séquences d’action et de rêve mais sacrifiant le récit des complications survenant après le raid des bandits. C’est cette version écourtée qui a survécu, bien à l’abri probablement dans un entrepôt français ou européen alors que toutes les copies en Chine ont disparu. Dans les années 2000, la compagnie Cinema Epoch a entrepris de distribuer en DVD certains classiques du vieux cinéma chinois et Romance est le plus vieux film de leur catalogue. Le compositeur Japonais Toshiyuki Hiraoka a été engagé pour créer des partitions originales pour certain films muets incluant Romance et sa contribution ajoute du charme au film en y magnifiant l'atmosphère délicate et sentimentale.

Malgré son caractère vétuste, bien normal vu son âge, Romance demeure une œuvre vibrante, pleine de charme et historiquement intéressante. En fait, non seulement il s'agit d'une des plus vieilles productions du cinéma chinois maintenant accessibles au grand public (sinon la plus vieille de tous) mais reflète l'influence de l'opéra de Pékin dans ces scènes martiales, comme ce sera le cas beaucoup plus tard dans le cinéma wuxia et kung-fu hongkongais, des décennies plus-tard.
Yves Gendron 12/27/2010 - haut

West Chamber    (1965)
 Alors qu'il visite un somptueux temple boudhiste, le jeune lettré Zhang Junru (Ivy Ling Po) croise une très jolie demoiselle dont il tombe aussitôt amoureux. Il s'agit de Cui Ying Ying (Fang Ying) la fille d'un premier ministre défunt qui réside au temple avec sa famille. Zhang aimerait bien la courtiser mais vu son haut statut, la jeune fille est confinée à une petite cour intérieure avec pour seule amie sa dame de compagnie la pétillante Hung Niang.(Li Ching). Zhang parvient néanmoins à s'installer dans un petit pavillon (« la chambre de l'ouest ») adjacent à la cour où réside Ying Ying, Il aura fort à faire pour faire sa conquête : les murs de la cour, la dame de compagnie, la mère de la jeune fille et même une armée de bandits venue kidnapper la demoiselle faisant obstacle au dessein du jeune homme. Est-ce que l'amour sincère parviendra à triompher ?

 Entre 1962 et 65 le genre à la mode aux studios Shaw Brothers, c'est le Huangmei Diao : des opérettes filmées luxuriantes tirant leurs trames de contes folkloriques et d'œuvres théâtrales classiques très connus et appréciés des chinois, tournant habituellement autour d’amours contrariées. Après avoir traité entre-autres de la légende du serpent blanc (Madame White Snake), des amants papillons (Love Eterne) et de la Septième fée du ciel (Maid from Heaven), La Shaw adapte en 1965 "La romance du pavillon de l'ouest'' (Xi Xiang ji), à l'origine une œuvre théâtrale datant de la dynastie Yuan au XIIIème - XIVème siècle. Le Pavillon de l’ouest met en scène celle qui est devenue la vedette attitrée du Huangmei Diao depuis le succès monstre de Love Eterne l'actrice/chanteuse Ivy Ling Po qui y reprend son rôle habituel de jeune mâle, lettré, délicat et romantique. Elle partage la scène avec deux nouvelles venues lancées depuis peu à la Shaw Brothers : la précieuse Fang Ying et la pétillante Li Ching. Le film est tourné par le vétéran Griffin Yueh Feng qui est le cinéaste expert dans ce genre de production.

Récit d’une relation amoureuse désirée mais défendue, West Chamber est ponctué d'une dizaine d'épisodes musicaux dans lesquels les personnages communiquent leurs sentiments qui sont aussi régulièrement commentés par un chœur. Les acteurs se révèlent également par un jeu pantomime stylisé et des mimiques faciales expressives pour des effets tant dramatiques que comiques. Le film est tourné en plans séquences afin de bien mettre en valeur le jeu des acteurs de même que les décors somptueux. La séquence d’ouverture entièrement muette et dans lequel tant les personnages que la caméra se promènent dans le temple sont particulièrement bien amenée. Il n'y a presque aucun gros plan sur les visages des acteurs, excepté lorsque la caméra fait un rapide close-up lors d'un moment dramatique.

L’histoire d’amour dans West Chamber est compliqué par le fait que les deux amoureux ne peuvent se rencontrer et ont besoin d'une intermédiaire pour se faire la cour, rôle assumé par la soubrette au service de la demoiselle. En portant des messages ou en arrangeant de brèves rencontres, elle aide les amoureux tout en se moquant gentiment d'eux avec son bagou. Personnage spirituel, étincellant tant en charme qu'en verve, la soubrette domine la seconde moitié du film et s’avère être sa véritable héroïne. Le rôle est tenu par Li Ching. Issue de la même génération d'actrices de la Shaw que Cheng Pei Pei et Lily Ho, Li Ching est la toute première de sa classe à gravir le vedettariat grâce à une série de Huangmei Diao qui l'auront révélé puis consacré. West Chamber démontre de façon splendide l'ampleur de son charme, volant un peu la vedette au deux autres stars du film Ivy Ling Po (qui se contente de reprendre son vieux numéro travesti de lettré romantique qu'elle joue toutefois avec son charisme et sa virtuosité habituelle) et Fang Ying (ravissante jolie fleur certes, mais dont le caractère timide et velléitaire du personnage lasse vite).

West Chamber est une opérette filmée des plus théâtrale tant dans sa forme que son contenu, conçu il y a plus de quarante ans pour un public chinois connaisseur. L'attrait pour un spectateur occidental est à première vue assez limité. D'un autre coté, contrairement à bien des Huangmei Diao West Chamber ne verse pas dans la tragédie mélodramatique, ce qui est assez rafraîchissant. En fait, un spectateur occidental éventuel sera moins séduit par la musique, les mélodies et la trame du film que par le charisme et le jeu savoureux de ces jeunes actrices, celui de Li Ching en particulier. West Chamber a aussi l'intérêt de révéler une pièce du répertoire théâtral chinois traditionnel renommée, révélant un pan de la culture de Chine tout en faisant ressortir tant les distinctions que certaines similitudes avec le théâtre occidental (dans la fonction et la caractérisation de la soubrette notamment). C’est une œuvre a découvrir pour quiconque désire aller au delà du cinéma martial de la Shaw Brothers et qui possède un certain goût pour le théâtre et la culture chinoise.
Yves Gendron 12/24/2010 - haut

Street Fighter : The Legend Of Chun-Li    (2009)
 Cette nouvelle adaptation du célèbre jeu vidéo, sera cette fois-ci centrée sur le personnage féminin de Chun Li interpétrée par la métisse Kristin Kreuk (Smallville).

 L’industrie du jeu vidéo n’est pas plus avare en adaptations cinématographiques que celle des comics. Mais alors que les films de super-héros ont acquis une véritable légitimité au fil des années, chaque jeu porté à l’écran est immédiatement une source d’appréhension, tant pour le grand public, que pour les fans de l’œuvre d’origine, qui se sentent d’ailleurs généralement trahis. En effet, dans un jeu, on ne se contente pas de suivre les aventures d’un personnage, on les vit, on ressent sa douleur, on s’identifie à lui. Le passage sur le grand écran oblige le joueur à se distancier, et à assister en tant que spectateur à des péripéties qu’il a pris l’habitude de vivre. Outre la violence de ce changement de position, toutes les adaptations de jeu vidéo n’ont pas manifesté un respect flagrant du matériel d’origine. Bien souvent, les producteurs n’ont même pas cherché à cacher leur seule ambition économique, au mépris de tout amour pour le jeu adapté. Et même lorsqu’on retrouvait l’univers du jeu, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous. Christophe Gans, véritable fan des Silent Hill, a livré une vision très fidèle à l’esprit de la saga et extrêmement soignée visuellement, sans pour autant remporter l’adhésion. La saga Resident Evil a été adaptée de façon très libre, pour un résultat suffisamment viable au box-office pour justifier la réalisation de 4 films, le succès artistique n’ayant pas toujours de lien avec le nombre de tickets de cinéma vendus. Mais c’est finalement les jeux de combats qui ont connu le plus grand nombre d’adaptations : un premier film Streetfighter, mettant en vedette Jean-Claude Van Damme, deux films Mortal Kombat avec Robin Shou, une adaptation de Dead Or Alive réalisée par Corey Yuen, deux adaptations (dont une non officielle) de Tekken, et dernièrement, StreetFighter : The Legend Of Chun Li. C’est le réalisateur Andrzej Bartkowiak, connu pour avoir mis en scènes les escapades américaines de Jet Li dans Romeo Must Die et Cradle 2 The Grave, qui officie sur cette adaptation. L’univers de Streetfighter a connu, en plus du premier film, des adaptations animées, prenant l’un des combattants comme personnage principal. Une façon de développer les histoires de chacun, en profitant au maximum de la franchise, et en se laissant la possibilité de réaliser d’autres épisodes. C’est dans cette perspective qu’on pouvait logiquement attendre Streetfighter : The Legend Of Chun Li. Pourtant, le scénario va prendre une tournure différente en mettant au centre de l’intrigue les boss du jeu, comme Vega ou surtout Bison.

Ce parti-pris est regrettable, puisqu’il prive l’univers du sentiment de globalité qu’on ressentait avec la rencontre de tous ces personnages hauts en couleurs. De ce point de vue, le film de 1994 était bien plus proche du jeu. Un constat qu’on retrouve en évoquant les costumes et les caractéristiques des protagonistes, qui n’ont de commun avec ceux du jeu que le nom ici, alors que la version de Steven E. de Souza mettait un point d’honneur à les rendre identifiables sur le plan visuel. Bison devient donc un chef d’entreprise véreux blond platine, Balrog est coursier, Vega devient asiatique, et Chun Li démontre son manque de maîtrise des arts martiaux au gré de mouvements peu convaincants. On se demande ainsi continuellement s’il s’agit bien d’une adaptation du jeu de Capcom, et ce dès les premières images. Bartkowiak n’a jamais brillé par ses qualités de conteur, et si les premières semblent témoigner d’ambitions de ce point de vue, la narration est absolument catastrophique. Il suffit d’entendre le personnage geindre en voix off pour comprendre que le réalisateur n’a aucune idée de comment raconter une histoire dans le ton du matériel d’origine. Indépendamment du manque de pertinence de ce choix, on regrettera que l’héroïne n’ait rien d’autre à raconter que des clichés digne de ceux qu’on trouvait dans les films de karaté des années 80. Cette tendance à philosopher sur les événements les plus anecdotiques dans des propos ridicules sera d’ailleurs caractéristique de tous les personnages, qui récitent avec la plus grande sincérité des proverbes dignes du maître incarné par Pascal Legitimus dans les sketchs des inconnus parodiant Jean-Claude Van Damme. Bison expliquera par exemple que « quand les gens ont le ventre vide, ils sont prêts à faire n’importe quoi ». Même une scène larmoyante de retrouvailles sera l’occasion d’échanger des pensées philosophiques sur le sens de la vie. Le fait que la direction d’acteur soit inexistante ne plaide de toutes manières pas en la faveur de dialogues insipides, qui ne parviennent même pas à provoquer l’hilarité. Le casting est au choix sous-exploité, dans le cas de Robin Shou, ou très mauvais dans le cas de presque tous les autres acteurs. Neal Mcdonough n’a rien de commun avec le général Bison (il n’a d’ailleurs rien d’un général ici), mais il s’amuse dans son rôle et fait preuve d’une inquiétante dérision tout à fait bienvenue. Impossible d’aborder Streetfighter sans parler de la performance incroyable de Chris Klein. Révélé dans American Pie, l’acteur parvient à exprimer tant d’émotions qu’on a l’impression d’un plan à l’autre, soit qu’il est excité par la cocaïne, soit que son regard vitreux est dû au cannabis. Son interprétation est d’autant plus incroyable que son rôle est inutile. C’est d’ailleurs l’intégralité de la sous intrigue policière qui n’apporte rien à l’histoire et ne sert qu’à rallonger la durée d’un film qui n’a pas grand-chose à raconter. Le récit est à ce point sans aucun sens que le réalisateur multiplie les apparitions connus, comme Cheng Pei Pei qui introduit lors d’une scène soporifique un parchemin censé légitimer le sous titre Legend Of Chun-Li, sans pour autant que son existence ne paraisse logique. D’ailleurs, il est difficile, même avec la meilleure volonté du monde, de trouver le moindre élément crédible dans l’histoire. L’expression « sans queue ni tête » semble avoir été créée pour l’occasion. Entre un parchemin antique qui précise que l’héroïne doit vivre à Bangkok, et une histoire de conscience enfermée dans une petite fille, il y a de quoi s’étouffer de rire. D’ailleurs, Bartkowiak a redéfini les standards en matière de non narration, multipliant les scènes sans intérêt et raccourcissant ses scènes d’action autant qu’il le peut.

Le combat le plus long ne dépasse pas en effet les 2 minutes. Ce qui n’est d’ailleurs pas plus mal. Difficile de croire que Deon Lam a vraiment travaillé sur le plateau, tant les enchaînements sont inintéressants. Pour un film portant le nom Streetfighter, la quantité de câbles est plutôt phénoménale, et leur utilisation est plutôt douteuse. Aucun affrontement ne reste en mémoire, et le seul combattant digne de ce nom, Robin Shou, n’a que 3 combats d’environ 10 secondes chacun. Même cet authentique pratiquant de wu shu ne peut montrer ses talents, puisque le montage est tout simplement catastrophique, enchainant les pires clichés mtv sans donner de rythme ni d’intensité aux affrontements. Ce procédé ne parvient pas pour autant à masquer les carences martiales de la plupart des acteurs. A ce titre, Kristin Kreuk ne dégage jamais de puissance, et ses mouvements sont sans grâce. Comme Jennifer Garner dans Daredevil, elle n’a absolument pas le physique du rôle, ressemblant trop à une petite poupée pour exprimer la rage que devrait ressentir Chun-Li. Le scénario semble avoir été écrit pour pallier ce problème, puisque le personnage est totalement insipide. Son apathie est telle qu’on a bien du mal à se convaincre qu’elle est l’héroïne. Son destin pourrait faire passer celui du héros de Into The Wild pour une promenade de santé. Elle n’est d’ailleurs qu’une accumulation de clichés de la fille de riches au grand cœur, belle et prodige de la musique. Mais ses réflexes capitalistes reprennent rapidement le dessus lorsqu’on constate que laisser ses souvenirs, c’est laisser ses 20 employés de maison. Par la suite, devenue sans abri, elle conservera une garde robe de princesse, tout en changeant de sac de voyage tous les deux plans, sans qu’on comprenne où elle cache les autres. Dans le registre des clichés, on découvrira également qu’à Bangkok, les rappeurs braquent les citoyens qui font leur marché, ce qui est, reconnaissons-le, le meilleur moyen de récolter une grosse somme d’argent. Cette obsession de Bartkowiak pour les rappeurs est une constante dans son œuvre, comme nous le rappelle la traditionnelle et très fine scène dans la boite de nuit (avec gros plans sur les courbes féminines à l’appui, et les regards concupiscents d’une Josie Ho risible en gangster homosexuelle), mais il ne s’agit pas de la seule référence à ses propres films. On reconnaîtra notamment une descente d’étage en étage identique à celle de Cradle 2 The Grave, mais aussi un remix raté du combat d’ouverture de Romeo Must Die, dans laquelle l’héroïne est attaché la tête en bas. Mais, comme si s’auto citer ne suffisait pas, le réalisateur nous livre une course-poursuite à pieds qui n’est pas sans rappeler celle de Ong Bak, si le film thaïlandais n’avait pas bénéficié du travail d’un chorégraphe professionnel.

Avec ses 5 minutes de combat du niveau d’un téléfilm Hollywood Night, Streetfighter : The Legend Of Chun-Li peine à passer pour un film d’action. La médiocrité de la réalisation n’a d’égale que l’incohérence du scénario, le tout peinant à passer pour un film, et encore plus pour un travail de professionnel. Certains films sont tellement ratés qu’ils en deviennent drôles, mais l’œuvre de Bartkowiak ne provoque que l’ennui. Adaptation ratée, film ennuyeux, il s’agit d’un « divertissement » que seuls les plus masochistes des spectateurs devraient s’infliger.
Léonard Aigoin 12/23/2010 - haut

Daredevil    (2003)
 Avocat le jour, l'avocat aveugle Matt Murdock devient le justicier Daredevil la nuit. Sa cécité, il la comble avec 4 sens surdéveloppés et un radar qui lui donne une perspective peu commune des événements. Mais entre deux procès, le héros va être confronté à la menace du Caïd de la pègre, et son homme de main sans foi ni loi, Bullseye. Et qui sait, l'amour pointera peut-être le bout de son nez... mais un héros a-t-il le temps de jouer les amoureux?

 En 2003, le genre du film de super-héros est en plein boom, et c’est Marvel qui mène la danse grâce à ses adaptations de Spider-man, et des X-men. Les deux franchises ont employé les services de professionnels du cinéma de Hong Kong afin de chorégraphier des combats percutants, mais c’est avant tout le sérieux des réalisateurs qui a permis à ces films d’obtenir une légitimité auprès du grand public, attirant dans les salles obscures bien plus de monde que le simple groupe des lecteurs de comics. Créé en 1964 par Stan Lee, Daredevil est un héros qui ne connaît pas la même renommée internationale que l’homme araignée où l’équipe de mutant, ni même celle du géant vert Hulk. Et si la bande dessinée n’a pas connu la constance en termes de ventes de titres plus connus, le personnage reste très apprécié. Rédigé à l’origine comme un homme sans peur, dont la seule crainte est de ne pas gagner le cœur de sa belle, le diable en collants va connaître une seconde jeunesse dans les années 80, sous la plume de Frank Miller. D’abord dessinateur, c’est en devenant scénariste sur la série que Miller va se faire un nom, et permettre à Daredevil de rentrer dans la cour des grands. Grand amateur du cinéma asiatique, l’auteur va insuffler un découpage cinématographique à ses histoires, instillant une véritable atmosphère de film noir. Le fameux quartier de Hell’s Kitchen, dont le véritable nom est Clinton, va prendre vie sous sa plume, avec ses ruelles sombres et ses bars repaires à gangsters (le fameux bar de Josie, qui apparaît d’ailleurs dans le film). Il aura fallu attendre presque 40 ans pour que les aventures de l’avocat justicier soient portées à l’écran, mais ce n’est pas sa première apparition dans un film, puisqu’en 1989 Rex Smith l’incarnait déjà dans le téléfilm Le Procès De L’Incroyable Hulk. Pour cette première aventure cinématographique qui voit Daredevil œuvrer en tant que héros principal, il est important de se procurer la version du réalisateur, qui donne une autre ampleur au récit. La version cinéma n’est qu’un brouillon sans âme, sans vision, et sans cohérence narrative alors que le montage original, sans être inoubliable, est loin d’être dénué de qualités.

Le succès des récits de Kevin Smith ou Brian M. Bendis pouvaient laisser supposer qu’ils serviraient de base à cette adaptation, mais ce sont finalement les écrits de Frank Miller qui seront davantage utilisés pour introduire le personnage. Certaines, largement édulcorées, seront même directement reprises de l’épisode culte 182 du comics, qui voit les personnages d’Elektra et Bullseye, respectivement ennemie amante et pire ennemi du héros, s’affronter à mort. Il s'agit cependant d'une réelle adaptation, dans le sens où le réalisateur a réécrit le scénario, en essayant de garder les éléments importants de la bande dessinée, pour créer une autre histoire en quelque sorte, tout en essayant de rester fidèle à l'esprit original (du moins l'esprit de Daredevil période Miller). Ainsi, les circonstances de la rencontre de Matt et Elektra vont prendre une toute autre tournure et ne se déroulent pas à la fac, puisque Matt est déjà avocat. Ce parti-pris pourrait se justifier s’il n’était pas à la base de la scène la plus navrante du film qu’on retrouve malheureusement même dans le director’s cut.
De même les circonstances de la mort du père d'Elektra sont tout à fait différentes. Malgré ces divergences, les relations sont assez respectueuses de celles instaurées dans le comic, et certaines scènes parviennent réellement à recréer l'ambiance (l'enterrement entre autres, réussit à être très proche, tant en terme d’ambiance que visuellement, de ce qu’on pouvait lire à l’époque...). Certains passages forts sont gardés, les éléments principaux sont respectés, donc le réalisateur parvient à conserver l'esprit de la bande dessinée en essayant de développer une vision personnelle. Malheureusement, le scénario n’est pas toujours respectueux de l’essence du personnage, comme on peut le constater lorsqu’il exécute un malfrat. Si Batman tuait à ses débuts, ça n’a jamais été le cas de Daredevil. On peut tout au plus imputer une mort plus ou moins accidentelle au héros à la fin des années 70, mais il n’a jamais tuer de sang froid et exècre le meurtre.

On peut voir dans ce choix scénaristique douteux la volonté de montrer le cheminement psychologique qui a fait du héros ce qu'il est. On retrouve en ce sens la démarche de Frank Miller pour Batman Year One, sauf que dans cette bande dessinée, le héros n'en arrivait pas à tuer pour comprendre qu'il ne devait pas franchir la ligne. On regrettera aussi certains choix de casting regrettables: Colin Farrell est risible en Bullseye, et n'a rien à voir avec le personnage. Jennifer Garner, pure californienne, n'a non seulement pas le physique d'une guerrière Grecque, mais ne parvient à faire passer ni la rage, ni la puissance d'un personnage aussi édulcoré qu’insipide. Quant à Ben Affleck, il livre une prestation sans éclat, sans passion, et sans conviction. Ce sont finalement les seconds rôles les moins développés qui parviennent le mieux à convaincre. Ainsi, John Favreau donne vie à Foggy Nelson, lui insufflant bonhommie et jovialité, alors que le personnage reste peu écrit. Il y a néanmoins une véritable alchimie entre lui et le héros, notamment lors d’une scène de procès amusante. Michael Clarke Duncan se révèle quant à lui impressionnant dans le rôle du caïd du crime, on regrettera juste qu’il ne soit pas plus machiavélique. Le fait de mêler son destin à celui d’un tout jeune Matt Murdock ressemble à un hommage au Batman de Tim Burton, et n’apporte finalement pas grand-chose à l’intrigue. Reste que cette version du chef de la pègre s'inscrit intelligemment dans la dynamique du personnage, l'apport des origines du Bronx collant tout à fait à l'esprit du personnage. Et Duncan se révèle à la hauteur du charisme animal du caïd. La référence à Tim Burton n’est sans doute pas anodine, car Daredevil est un film à hommage. Les clins d'œil aux différents auteurs de la bd sont bien trouvés (Quesada, Romita....mais on retiendra surtout une apparition éclaire de Frank Miller en personne, en plus du traditionnel caméo de Stan Lee), et l'ambiance sombre de l'ensemble est assez représentative du personnage. Bien sûr, quand on sait que Christopher Nolan devait réaliser ce film avec Guy Pearce dans le rôle titre, on ne peut qu'émettre certains regrets. Mais cette version director's cut, si elle ne joue absolument pas dans la même cour que les Batman de Christopher Nolan, est loin d’être aussi ratée que pourrait le laisser penser la version cinéma. On appréciera particulièrement le procès, qui manque à la version cinéma, et donne enfin une cohérence à l’histoire, tout en la rendant nettement plus intéressante. La place accordée aux personnages secondaires est également l'une des bonnes surprises, et l'un des défauts corrigés par rapport à la version cinéma. Elektra a une place beaucoup moins importante, l'intrigue se révélant prioritaire sur la romance dans cette version, ce qui paraît plus cohérent, tout en étant moins grand public. A ce titre, le réalisateur parvient à éviter le cliché présent dans la version cinéma et allant à l’encontre des règles du héros : cette fois il privilégie son devoir à l’amour, et les fans sont rassurés. L’histoire ne devient pas inoubliable, et les personnages n’ont pas une psychologie inouï, mais le résultat est bien plus réussi.

Et même avec ces 30 minutes supplémentaires, le film est assez rythmé. Les scènes d'action sont assez inégales, certaines sont de bon niveau, d'autres moins, et on peut parfois regretter l'utilisation d'images de synthèse, mais elles sont plutôt divertissantes dans l'ensemble. Il faut savoir que les chorégraphies sont réparties entre Yuen Cheung Yan, pour les duels, et Jeff Imada pour les affrontements de groupe et le final contre le caïd. De même, les combats sont dans le style de ce qui se fait à Hong Kong, non pas par effet de mode uniquement, mais parce que dès le début des années 80, Miller introduit les arts martiaux (par le biais d'Elektra et d'une secte de ninja nommée "la main" qu'on ne voit pas dans le film). Ainsi, dès cette période, les scènes d'action du comics mettent en avant les arts martiaux et les acrobaties, ce qui explique en partie les chorégraphies. De façon surprenante, les combats chorégraphiés par Yuen Cheung Yan sont les moins réussis. Toutefois, pour réellement juger de son travail, il est important de regarder le making off qui présente le résultat d’origine, joué par des cascadeurs de Hong Kong, et le rendu final, interprété mollement par Affleck et Garner. Le duel dans l’église entre le héros et Bullseye est également décevant, notamment à cause de son utilisation abusive des effets spéciaux. Si ce choix parait légitime pour les acrobaties d’un spider-man, le côté plus combat de rue des aventures de Daredevil le justifie moins. Finalement, Jeff Imada, dans une approche plus réaliste, livre un travail qui n’est pas inoubliable, mais dont la brutalité est plus percutante. D’autant plus que de nombreux plans, très brutaux, sont ajoutés dans cette version et procurent une dynamique qui manquait à certains combats. Le combat dans le bar est par exemple plutôt jouissif, mêlant la violence d’un passage à tabac et le spectaculaire d’un pur combat de comic. Mais l'affrontement Daredevil/Caïd reste plus percutant. Beaucoup plus long et violent dans cette version, on a enfin droit à un final digne de ce nom, dans lequel les antagonistes s’attaquent à coups de têtes, de directs en pleine mâchoire… Ces deux combats restent les plus jouissifs du film et laissent une bonne impression, alors que les autres paraissent trop chorégraphiés.
La réalisation, si elle se révèle parfois approximative dans certaines scènes d'action, reste assez dynamique, avec quelques beaux cadrages et effets de lumière. On sent une volonté de créer un univers à mi-chemin entre le réalisme urbain et des couleurs très travaillées dans un style purement comics.

Daredevil n’est pas un grand film, mais si on se base sur sa version director’s cut, il est loin d’être le gâchis tant décrié. Un divertissement honorable mais plutôt anecdotique en somme.
Léonard Aigoin 12/23/2010 - haut

Johnnie Got His Gun !    (2010)
 On dit de Johnnie TO qu'il est le nouveau John WOO ! C'est en tout cas en partie grâce à lui que Hong Kong se doit d'avoir retrouvé son rang de grande matrice du cinéma d'action. Avec des films comme The Mission, P.T.U., ou Breaking News, Johnnie TO a revitalisé à lui seul le film noir dans une approche semi-abstraite et truffée de références aux thrillers magnétiques de Jean-Pierre Melville et aux westerns de Sergio Leone. Tourné entre 2004 et 2010, le documentaire "Johnnie Got His Gun !" traque alors les empreintes de son cinéma dans la nuit expressionniste de Hong Kong. (crescendofilms.fr)

 Il y a des noms qui ont marqué des époques. Des réalisateurs qui ont su se montrer suffisamment inventifs pour marquer toute une génération. Ceux qui ont dépassé le stade de simple artisan pour développer un univers qui leur est propre, soit en créant un style visuel très créatif, soit en se faisant les spécialistes de thématiques fortes et récurrentes. Si Johnnie To s’est d’abord présenté comme un touche à tout efficace, d’abord en travaillant pour la télévision, puis au cinéma, il a compris dans les années 90 qu’il devait devenir un auteur s’il voulait s’illustrer réellement. La création en 1996 de sa propre société de production, la Milkyway Image (HK) Ltd. marque un tournant dans sa carrière, mais c’est surtout en 1998 avec la réalisation de A Hero Never Dies que le metteur en scène va affirmer son style et se faire le spécialiste des polars. Il passera les années suivantes à perfectionner son style, magnifiant à chaque fois la ville qui l’a vu grandir, Hong Kong, jusqu’à livrer une succession d’œuvres extrêmement ambitieuse visuellement dans les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui. C’est justement la période durant laquelle le réalisateur Yves Montmayeur a choisi de suivre l’artiste hongkongais afin de faire découvrir au public français l’envers du décor.
Yves Montmayeur, véritable passionné de cinéma, a débuté comme journaliste spécialisé en cinéma avant de devenir réalisateur en 2000 avec un documentaire sur Juliette Binoche. Son amour du 7ème art et en particulier des films asiatiques s’est manifesté à travers des documentaires sur les fameux studios Ghibli, ou encore les yakuzas eigas, mais aussi et surtout sur le cinéma de Hong Kong et sur le directeur de la photographie Christopher Doyle, connu pour son travail avec Wong Kar-wai.

Tourné entre 2004 et 2010, Johnnie Got His Gun ! est monté avec un souci évident d’esthétique, comme en témoignent les plans d’ouverture, filmés en caméra à l’épaule, et présentant des gros plans sur un Johnnie To qui fume avec l’élégance d’un héros de film noir. Le grain de l’image donne la sensation d’épier l’artiste à travers une caméra de sécurité, renforçant l’ambiance de polar dont il s’est fait le spécialiste. Une caractéristique constamment revendiquée par To, comme l’illustre sa première intervention en voix off. Cette introduction très travaillée est représentative de la volonté d’immerger le spectateur dans l’intimité du metteur en scène hongkongais, mais aussi dans la ville qu’il se plait à explorer dans ses moindres ruelles depuis tant d’années. Car ce qui fait la force du cinéma de To, ce ne sont pas tant les thèmes qu’il décrit comme siens en début d’intervention, c’est surtout sa capacité à donner vie à la ville, et à en faire le personnage le plus important de ses récits. A ce titre, les différentes explorations de décors se révèlent passionnantes, notamment parce que le montage alterne les prises de vue avant, voire pendant les tournages, avec les scènes de film. Car comme l’artiste l’explique lui-même, il lui faut un bon décor pour être en mesure de réfléchir à ce qu’il va mettre en scène, à ce qu’il va raconter. Et si sa caméra se meut toujours avec une pertinence adaptée au décor, qui ne se dément pas d’un film à l’autre, on est surpris d’apprendre à quel point le choix des lieux de tournage fait l’objet de recherches approfondies.

Qu’il s’agisse d’un ascenseur dont l’ascension offre des jeux de lumière intéressant pour développer l’attitude d’un personnage, ou d’un restaurant semblable à ceux dans lesquels les policiers en patrouille de nuit se reposent quelques instants, ce souci permanent de la cohérence et de la crédibilité nous rappelle immanquablement pourquoi les films de Johnnie To offrent une vision unique de Hong Kong. Pourtant, comme il le déclare lui-même, on ne peut pas dire que ses films sont réalistes. Il suffit d’admirer les éclairages très travaillés de PTU, et de les comparer aux prises de vues de Hong Kong la nuit qu’a faites Yves Montmayeur pour constater à quel point il s’agit de deux univers si différents. Mais c’est ce paradoxe qui fait la force du cinéma de Johnnie To : son souci du plan réussi, beau, percutant, n’empêche pas son univers de retranscrire l’ambiance si particulière des ruelles étroites de Hong Kong. Breaking News, dont le tournage ouvre le documentaire, en est un parfait exemple, tant par son plan séquence aussi spectaculaire que riches en saynètes fidèles à la vie quotidienne, que par les scènes dans l’immeuble aux couloirs étroits, qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les locaux étouffants du climax de Long Arm Of The Law. Et cette maîtrise du cadre, du lieu, est caractéristique de la façon de travailler de l’auteur, qui s’investit totalement dans ses œuvres. Assister aux coulisses du tournage de ses polars est ainsi très révélateur, comme lorsque To et ses acteurs observent les rushes du tournage : tout dans son attitude rappelle un gradé de la police briefant ses hommes avant de mener une intervention. Une impression confirmée par les collaborateurs de To, notamment l’acteur Simon Yam qui le décrit comme un homme colérique, qui crie s’il ne travaille pas avec une équipe qui comprend immédiatement ses intentions. Cette volonté de tout contrôler, d’avancer en sachant précisément quoi faire se justifie par les contraintes de tournage propres au cinéma de l’ex-colonie. « On n’est pas à Hollywood », les budgets ne sont pas les mêmes, et les équipes de tournage n’ont pas la possibilité de bloquer des rues entières. On découvre ainsi avec beaucoup d’intérêt les astuces déployées pour réaliser des travellings efficaces, collant au plus près de l’action. L’utilisation de grues se révèle également un peu plus archaïque que ce qu’on pourrait croire.

Une façon de travailler à l’ancienne, qui est également au centre de l’écriture des scénarios : on découvre un travail d’investigation afin d’obtenir des histoires aussi croustillantes que proches de la réalité. Une approche surprenante, puisqu’on découvre que le frère de Simon Yam est l’adjoint du chef de la police à Hong Kong, mais qu’il refuse de transmettre des informations ! On découvre également les informations hongkongaises, dont la forme est tellement glamour qu’on en vient à se demander s’il s’agit d’une vraie émission, ou d’un extrait de film. En effet, le travail sur la forme d’Yves Montmayeur est tellement important qu’un spectateur qui ne connaîtrait pas le travail de Johnnie pourrait par moment avoir du mal à distinguer les extraits de films des passages du documentaire. Il faut dire que l’utilisation d’extraits est souvent pertinente et intéressante, mais peut être également un peu envahissante, notamment lorsque certains extraits durent plus d’une minute, sur une durée de 1 heure, cela fait tout de même beaucoup. D’ailleurs, à mesure que le temps passe, on constate que les interventions de Johnnie To ne sont pas si nombreuses que ça, et si les interviews de collaborateurs proches sont intéressantes, et que certains éléments, comme le travail sur les décors évoqués plus haut, sont passionnantes, on n’apprend finalement peu de choses sur le cinéma de To. Si on oublie la réalisation dynamique de Montmayeur, avec ses split-screen, et sa bande originale alternant morceaux des films de To et musiques dignes de Yakuzas eigas, on a plus l’impression de regarder une succession de making off montrant les coulisses des films qu’un documentaire décortiquant avec précision et méthode le travail de l’artiste.

Le parti-pris de présenter les scènes chronologiquement a une certaine logique, mais n’apporte pas vraiment d’évolution, puisque durant cette période, To a continué son processus en développant les mêmes thèmes et les mêmes techniques sans vraiment changer de trajectoire, comme l’ont ressenti beaucoup de spectateurs à la vision de Vengeance, très réussi esthétiquement, mais qui trahissait un manque de renouveau dans l’œuvre du réalisateur. On regrettera de ne pas voir une construction plus thématique, car le propos reste un peu trop diffus. C’est d’autant plus regrettable qu’on apprend quelques anecdotes intéressantes, comme l’enfance de To, sa découverte du cinéma (confession qui rappelle la nostalgie de Just One Look), et ses réflexions sur la mise en image, mais l’éparpillement des interventions ne permet pas de construire un discours construit, et on a trop souvent l’impression d’un manque de consistance, d’une vision qui reste en surface. La passion de Montmayeur est manifeste, et on comprend qu’il veut donner un aperçu le plus complet possible de ce qui rend le cinéma de To si distinctif, mais cette volonté de tout montrer, et l’usage peut-être trop appuyé des extraits ne permet pas une analyse qu’on aurait souhaitée plus détaillée. Entre les photos de tournage, les images d’archives, ou les passages au 58ème festival de Cannes, To se confie tout de même sur sa conception du polar, sur l’analogie qu’il en fait avec les films de sabre, et sur son changement de regard sur le rôle du cinéma. Une déclaration qui donne fortement envie de redécouvrir ses 2 Election, dont il revendique la vision réaliste, en opposition à l’héroïsme très appuyé des personnages de A Hero Never Dies par exemple, dont le code d’honneur ne correspond plus (pas ?) aux membres de triades tels que To les conçoit aujourd’hui. Cet ancrage dans la réalité, et l’imaginaire qui entoure cet univers s’explique également par le nombre incroyable de membres (330 000 sur 6 millions d’habitants d’après To), qui fait que presque tout le monde connaît au moins un membre des triades, l’artiste en ayant lui-même plusieurs dans son entourage.

On finit sur une note intéressante, puisqu’on assiste à une scène de tournage du dernier film de Johnnie To, mettant en vedette Lau Ching-wan, Life Without Principle. Johnnie Got His Gun ! est un documentaire très bien mis en image, au montage dynamique et percutant. Cette plongée dans l’envers du décors est intéressante, mais constitue davantage une introduction à l’univers du réalisateur destinée aux spectateurs qui n’ont pas une connaissance approfondie de son cinéma qu’aux fans désireux de découvrir une analyse approfondie de son œuvre.
Léonard Aigoin 12/13/2010 - haut

Twilight    (2008)
 Bella est une lycéenne à la limite de l'apragmatisme qui rencontre dans son nouvel établissement un jeune homme mystérieux à la peau livide. Bien vite, la jeune femme va découvrir que les vampires sont aussi réels que séduisants, et vivre une romance qui ne sera pas sans danger.

 Difficile de retrouver l’origine précise du mythe du vampire. Les adeptes de jeux de rôle prétendent que le premier vampire serait l’un des fils d’Adam et Eve, Caïn, dont la soif de sang humain et la crainte de la lumière du soleil seraient les conséquences de la punition infligée par Dieu pour le meurtre d’Abel. Mais c’est surtout au 19ème siècle en Angleterre que l’être surnaturel suceur de sang devient l’objet de l’attention, en particulier en 1897, lorsque Bram Stoker publie ce qui va devenir le roman de référence de l’image moderne du vampire : Dracula. Et si de nombreux auteurs ont eu depuis l’occasion de développer leur propre vision du mythe, de nombreux éléments sont considérés comme caractéristiques du vampire. Pour commencer, le vampire se nourrit de sang humain, et il est immortel, en ce sens qu’il ne vieillit pas. On tient pour évidente la crainte de la lumière du soleil, pourtant il semble qu’elle n’ait été popularisée que récemment, peut être dans le film Nosferatu, en 1922. En 1992, Francis Ford Coppola prenait déjà des libertés face à ce principe pour son adaptation du roman de Bram Stoker. Mais s’il est un élément qu’on a largement associé à la figure surnaturelle du vampire au cinéma, c’est bien celle d’un personnage aussi sombre et mystérieux que romantique. Car même dans les films d’épouvante mettant en vedette des acteurs comme Sir Christopher Lee, la créature était aussi séduisante qu’effrayante, la séduction hypnotique étant l’une des armes de prédilection du vampire dans son incarnation moderne. La saga de Stephenie Meyer prend le parti de développer davantage l’aspect romantique du mythe, au détriment de l’épouvante, comme en témoigne la narration à la première personne qui ouvre le film sur des images de biche.

Et dès les premières images, on ne peut s’empêcher de constater qu’hormis les figurants, ou les personnages dont les lignes de dialogue se comptent sur les doigts d’une main, personne ne sourit dans Twilight. Le spectateur n’a d’ailleurs pas non plus envie de sourire lorsqu’on lui impose des montages aussi irritants que celui de la biche qui ouvre le récit, puisqu’il s’agit d’une compilation de tout ce qu’il ne faut pas faire : gros plans ne permettant pas d’apprécier le paysage, caméra secouée dans tous les sens qui donne mal à la tête, et montage frénétique alors que le propos ne s’y prête absolument pas. Ce paradoxe n’est d’ailleurs que le premier des choix discutables de la réalisatrice et de l’écrivain. Prendre pour protagoniste une jeune fille asociale et antipathique pourrait être un choix intéressant, si cela avait un véritable sens pour l’intrigue. En effet, on comprend que son côté marginal justifie l’intérêt qu’elle suscite chez le séduisant vampire. On reste par contre beaucoup plus sceptique devant sa grande popularité, alors qu’elle ne finit jamais ses phrases quand elle s’adresse aux gens s’éloigne d’eux en battant des bras alors qu’ils lui parlent encore, et rate tout ce qu’elle entreprend. Car en plus d’être un peu renfermée, Bella est une perdante : elle ne sait pas taper dans un ballon, elle glisse par terre en sortant de sa maison… et pourtant, cette accumulation de détails n’apporte jamais rien à l’histoire, puisqu’ils sont sans conséquence ni sur l’intrigue en elle-même, ni sur les relations du personnage.

On pourrait également critiquer les événements prévisibles du récit, mais il est difficile de regarder aujourd’hui un film comme Twilight sans savoir ce qui se déroulera alors que la saga a bénéficié d’un marketing tel que tout le monde connaît au moins les grosses lignes de l’histoire. Cependant, l’accumulation de clichés inhérents à la romance de lycée ne plaide pas en la faveur d’une histoire au rythme trainant. C’est d’autant plus vrai que la réalisatrice ne semble pas impliquée par le récit. Elle semble plus préoccupée par la mèche de cheveux qui repose sur la bonne joue et la pose la plus romantique possible que par la révélation des mystères. Entre les ralentis peu inspirés, et les plans à l’esthétique douteuse (comme certains travellings où les protagonistes sont continuellement cachés par un élément du décor, une voiture par exemple), la mise en scène n’a jamais l’ampleur qui rendrait la romance prenante ou qui donnerait un souffle trépidant à l’action. Il suffit de regarder l’interminable partie de baseball dont chaque lancement de balle est identique pour comprendre qu’à part une vague recherche esthétique, la réalisatrice est en manque cruel d’inspiration. Mais au-delà de la technique peu maîtrisée, c’est surtout l’accumulation de scènes à l’intérêt narratif limité qui interroge le spectateur. Certains passages n’apportent en effet rien à l’intrigue, et ne viennent pas non plus approfondir des personnages qui ne sont rien de plus que des formes se déplaçant sans conviction sur l’image. Car la direction d’acteur n’est pas non plus l’un des points que Catherine Hardwicke maîtrise le plus. Si Robert Pattison joue parfois sans trop savoir ce qu’il doit exprimer, cela semble être davantage parce qu’il n’a pas eu d’indications de jeu pertinentes. Il parvient en effet à se montrer globalement en phase avec son personnage. Ce qui n’est pas le cas d’une Kristen Stewart qui passe tellement de temps à grimacer pendant le film qu’on finirait presque par croire qu’elle convulse. Les autres acteurs se contentent de prendre place devant la caméra, semblant attendre désespérément qu’on leur dise quoi faire.

Le récit non plus ne semble jamais trop savoir comment se dérouler. Si le côté obsessionnel que peut prendre un amour d’adolescent est plutôt convaincant, les innombrables questions que se posent les personnages sont un peu trop farfelues. Ce n’est pas de s’interroger sur le moindre caillou qui fait la profondeur d’un personnage, c'est plutôt à l'écriture d'être suffisamment crédible pour en faire un être auquel le spectateur puisse s’attacher, ce qu’il paraît difficile de faire ici. Les personnages ne semblent donc pas humains, car ils ont des caractères trop monolithiques, mais leurs interactions ne sont pas plus intéressantes. Comment ne pas rire lors des premières scènes réunissant Bella et Edward le vampire, dont le schéma est toujours le même :
« Bonjour Bella, tu vas bien ?
- je… euh… oui et toi ?
- Fous moi la paix, si t’étais intelligente tu comprendrais qu’il faut me laisser tranquille ! ».
Une fois les explications de ce comportement apportées, on est partagé entre l’envie de rire encore plus fort, ou la consternation. Est-ce réellement Stephenie Meyer qui a écrit la saga Twilight ou un de ses enfants ? Car le manque de psychologie est tel qu’on a bien du mal à croire qu’un adulte puisse trouver de tels dialogues justes. A force de trop vouloir ajouter de blancs et d’hésitations, pour représenter fidèlement les épreuves que sont les relations entre adolescents, on aboutit à des échanges pénibles, et d’une longueur injustifiée au vu de leur contenu.

Et c’est bien l’un des principaux problèmes de Twilight : ne jamais trouver le ton juste. Comme lors de cette scène clé où un personnage raconte une légende, mais où la réalisatrice ne parvient jamais à créer une atmosphère palpable. C’est d’autant plus regrettable qu’on ressent une certaine sincérité. En effet, il est rare de voir un film destiné à un public jeune ne pas céder à la facilité du second degré, mais la réalisation et l’écriture ne font pas de ce parti-pris une réussite. Les scènes romantiques sont tellement clichées qu’on en rit malgré tout. Et ce n’est pas l’extrême redondance des scènes qui permettra de prendre ce premier épisode de la saga au sérieux. Entre les vampires lumineux et les vampires grimpeurs d’arbre, on se demande bien pourquoi il était nécessaire de scinder les exploits d’Edward en deux scènes quand une seule aurait offert un résultat plus efficace. Car même s’il s’agit d’une romance, l’action a toujours été mise en avant, que ce soit dans les bandes annonces, ou dans l’emploi, en l’occurrence du collaborateur de Jackie Chan, Andy Cheng, au poste de chorégraphe. Or non seulement le rythme du récit est très peu élevé, mais il n’y a finalement qu’un affrontement, expédié en moins de deux minutes. On a d’ailleurs bien du mal à croire qu’un chorégraphe expérimenté ait travaillé sur cet affrontement, car hormis quelques chutes mêlant effets spéciaux et câbles, il ne se passe strictement rien. Et pas seulement du point de vue de l’action : on ne ressent jamais la moindre sensation de danger, ni la moindre intensité dramatique lors de cette scène qui devrait pourtant constituer le point culminant du tourbillon d’émotions du film.

Un constat d’autant plus amer que certaines idées parviennent à créer un intérêt, comme l’évocation de futurs possibles, qui donneraient presque envie de s’intéresser aux suites, si ce premier épisode n’avait pas paru si vain. Twilight n’est pas un film d’action, on pourra donc pardonner la faiblesse de l’affrontement, mais la romance ne se montre pas plus convaincante, à cause d’une direction d’acteurs sans vision et d’une écriture maladroite. Difficile de justifier 2 heures de métrage avec si peu à dire, mais si on retiendra une qualité à ce premier épisode, c’est de lancer quelques pistes qui donnent l’impression que les suites doivent être plus mouvementées.
Léonard Aigoin 12/10/2010 - haut

Killer    (1989)
 Un tueur à gage (Chow Yun Fat) blesse accidentellement une chanteuse (Sally Yeh) lors de l'exécution d'un contrat. Rongé par la culpabilité, il décide de tout mettre en œuvre pour l'aider à se faire rapidement greffer des cornées, seul moyen, pour elle, de ne pas perdre la vue.

 Si le retour de John Woo à Hong Kong a suscité un enthousiasme très important auprès de ses fans, ce n’est pas uniquement à cause de la qualité de son dyptique Red Cliff. Ce n’est pas non plus seulement parce que ses films à Hollywood ont pu décevoir. Non, si le réalisateur a été accueilli comme le fils prodigue de retour au pays, c’est surtout parce qu’il a presque créé un genre à lui tout seul à travers une poignée de films dont The Killer constitue le point culminant. Alors qu’on aurait pu penser que A Better Tomorrow n’était qu’un accident de parcours dans une carrière vouée à l’échec (Alfred Cheung ayant tout de même réussi à réaliser la perle noire On The Run entre deux comédies d’action anecdotiques, sans jamais réitérer l’exploit), Woo a réussi à prouver qu’il possédait une vision unique, et que l’héritage de Chang Cheh n’était pas perdu, et ce à plusieurs reprises, puisqu’il réalisa par la suite le très poignant et très personnel A Bullet In The Head. Mais parmi cette accumulation de mélopolars ultra-violents, The Killer a une place à part, à l’image du Jeff incarné par Chow Yun Fat, véritable marginal échappé d’une autre époque. Si on retrouve des thématiques communes à la majorité des films de l’artiste John Woo (et non plus de l’artisan condamné à mettre en scène des comédies) et un ton très particulier, The Killer s’illustre par un symbolisme très appuyé, comme en témoignent les nombreuses références aux religions, et à la spiritualité en général.

Ce n’est pas un hasard si les scènes d’ouverture et de clôture se déroulent dans la même église, créant un écho entre les prières du tueur et son destin funeste. Car même si on pourrait résumer l’intrigue en quelques lignes, le scénario bénéficie d’une écriture très précise, qui trouve tout son sens dans des trouvailles visuelles qui rendent la mise en scène encore très moderne. L’œuvre de Woo repose ainsi entièrement sur la dualité. Les protagonistes sont par exemple séparés par leur rôle vis-à-vis de la loi, mais aussi réuni par leur idée de l’honneur et de l’amitié. La chorégraphie des scènes d’action est virevoltante et spectaculaire, mais s’appuie aussi sur une violence à la sècheresse aussi brutale que réaliste, et le montage alterne systématiquement des effets opposés. Ainsi, la caméra est presque constamment en mouvement, mais n’exclut pas l’immobilité, comme pour souligner la rigidité d’un dialogue de sourds. De même, les travellings peuvent être lents avant de céder au dynamisme le plus efficace. Les passages mettant en valeur Chow Yun Fat sont très significatifs à ce titre, comme sa sortie de l’église, dans un ralenti rappelant les héros chevaleresques de Chang Cheh, alors que sa tenue et son attitude lui confèrent une présence très moderne. En digne élève de l’ogre, John Woo s’emploie ainsi à donner une ampleur aux techniques du maître que ce dernier lui-même n’a que rarement atteinte. La transposition des thèmes des wu xia pian classiques dans le genre du polar s’appuie ainsi sur un sens indéniable du cadre, allié à une maîtrise du montage redoutable, pour un résultat aussi violent que mélancolique. L’une des grandes forces du réalisateur est en effet d’alterner les éléments lyriques et la banalité du quotidien. Comme lors de cette scène, dont la transition passe par la musique, qui voit Jeff devant un paysage magnifique et totalement dénué de toute trace de civilisation, exprimant à la fois sa solitude et sa mise à l’écart du monde moderne, juste avant un plan qui voit Kenneth Tsang effectuer une action aussi banale et quotidienne que jeter des sacs poubelles. Cette recherche d’une cohérence dans le passage d’une scène à une autre, qu’il soit fait par le lien d’une thématique, ou d’une simple musique, confère un véritable sentiment d’unité à l’ensemble, et permet au récit de se dérouler dans une continuité parfaite. Ce qui n’avait rien d’aisé au vu du nombre de scènes. Car le réalisateur fait le choix de découper son histoire en des scènes très courtes, ou l’essentiel passe plus par l’image que le discours, et où tout superflu semble exclu.

Le rythme est donc très élevé, non seulement parce que les scènes d’action sont nombreuses et s’enchaînent avec maestria, mais aussi parce que l’intrigue suit son cours avec efficacité. Si Woo parvient à en dire autant en si peu de temps, c’est parce qu’il multiplie les événements au sein d’une même séquence, en employant à plusieurs reprises le montage alterné, sans qu’on ne perde jamais le fil de l’histoire, chaque élément ayant un but bien précis. C’est dans ce genre de séquence que la richesse du montage s’exprime, comme lors des scènes de suspense, dans lesquelles Woo alterne ralentis et passages en vitesse réelle, afin de produire un contraste redoutable entre l’esthétique des ballets funestes et la violence réaliste. Certains passages sont même d’une brutalité surprenante, comme la poursuite entre Danny Lee et Tommy Wong qui n’est pas sans rappeler, tant par son dynamisme que par son atmosphère sonore le cinéma de Michael Mann et certaines de ses productions comme la série télévisée Miami Vice. L’action reste d’ailleurs constamment percutante grâce à ce mélange maitrisé de chorégraphie et d’ultra-violence, réglé avec minutie par un Tony Ching Siu Tung très inspiré. Malgré le grand nombre d’affrontements, aucun ne se ressemble, tant le cadre est toujours exploité avec beaucoup d’ingéniosité. Mais si les fusillades sont inoubliables, ce n’est pas seulement parce qu’elles sont homériques. C’est surtout parce qu’elles symbolisent l’état d’esprit des personnages et illustrent les thématiques de l’histoire. Si les métaphores comme la colombe éteignant une bougie pour évoquer la mort brutale ont vieilli, comme certains éclairages et certaines utilisations trop appuyées du ralenti, d’autres passages, comme l’échange verbal entre Dumbo et Mickey approfondissent de façon très intéressante la psychologie des personnages et permettent de comprendre leur relation sans se perdre en long discours. La scène du portrait robot est également un modèle d’écriture, décrivant avec beaucoup d’émotion ce qui fait un véritable héros Chang Chehien et en conséquence un véritable héros wooïen. Les amitiés viriles, l’honneur perdu, ne sont pas de simples mots, mais constituent une véritable façon de vivre, aussi obsolète soit-elle.

Le contraste entre le tueur déchu, perdu, et le héros tout de blanc vêtu est d’ailleurs saisissant, et leur amitié donne plus de force encore aux thèmes du film. Le mimétisme entre le tueur et le policier est également très intéressant : dans les deux cas, une religion sert de cadre. Guan Yu guette les agissements des forces de l’ordre d’un regard sévère lorsque Danny Lee se prend pour Jeff, et ce dernier cherche constamment le regard de la vierge. Véritable étranger dans un monde qui n’est plus le sien, dans une époque trop moderne pour vénérer l’honneur et l’amitié, il doit subir des opérations de fortune dignes des temps anciens, durant lesquelles sa détermination s’exprime avec puissance. Car même si l’attitude décontractée de Chow Yun Fat laisse souvent penser qu’il a du recul sur sa situation, Jeff reste un être torturé, qui n’a sa place nulle part. La scène qui le voit seul repensant à une petite fille blessée donne l’impression qu’il fond littéralement, comme s’il n’était plus qu’une façade n’attendant que de disparaître. Il y a un véritable aspect fantomatique chez ce tueur qui semble constamment en dehors du monde, et pourtant, il en comprend les règles, puisqu’il anticipe par exemple la trahison de son ami. Finalement, par son courage et sa sincérité, il amènera ses amis à reconsidérer leurs croyances, et à s’extraire de ce monde violent. Lorsque frappé à mort par les sbires de Shing Fui On, Paul Chu Kong remet sa cravate, on pense immédiatement à la réaction incroyable d’un Alexander Fu Sheng mourant dans Disciples Of Shaolin qui nettoyait ses chaussures. Cette sensation de ne jamais être là où se trouve le reste du monde culminera lors du baroud d’honneur de Jeff, qui ne trouvera pas la main qu’il cherchait, et finira seul, loin du but qu’il s’était fixé.

Une confrontation amère à la brutale réalité, qui renforce la sensation de boucle créée par le lieu commun des scènes d’ouverture et de fermeture. De même, l’utilisation de la musique entendue après l’aveuglement de Jenny pendant la poursuite de Shing Fui On annonce le funeste et inévitable dénouement, achevant d’assommer le spectateur par le contraste violent entre le romantisme wooïen d’une autre époque et la cruauté toute moderne d’un monde de tueurs. Afin de donner à ce climax la force qu’il mérite, Woo se permet un dernier montage alterné sous forme d’hommage à la mise à mort de Ti Lung dans Vengeance ! pour un résultat qui achève de faire de The Killer plus qu’un simple mélopolar. Si certains éléments de la mise en scène paraissent vieillis, c’est parce qu’ils étaient déjà en décalage avec ce qui se faisait à l’époque, et c’est ce qui fait de The Killer une œuvre moderne, car intemporelle, au message universel.
Léonard Aigoin 12/2/2010 - haut

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